Cette édition récompense de grands noms pour des œuvres fortes. On regrette cependant le manque d’audace de ces choix.
Après une poignée de prix secondaires à Cannes et à Venise, Yórgos Lánthimos tient enfin sa récompense suprême. À 50 ans, le cinéaste grec a remporté, samedi, le Lion d’or de la 80e édition de la Mostra de Venise pour Pauvres Créatures, une comédie noire surréaliste mettant en scène Emma Stone dans une sorte de Frankenstein post-MeToo, au synopsis pour le moins farfelu.
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Un savant déluré (Willem Dafoe évidemment) récupère le corps d’une femme (Emma Stone) qui s’est suicidée pour échapper aux violences conjugales exercées sur elle par son mari et y place le cerveau de l’enfant qu’elle portrait. Mais, elle s’émancipe bientôt de son créateur et part à la découverte du monde avec un avocat (Mark Ruffalo). Le film, présenté en tout début à la Mostra et que nous avons raté, alterne le noir et blanc et des couleurs ultra-saturée, dans un style pompier qui a apparemment plu au jury présidé par Damien Chazelle et où figurait notamment les cinéastes Jane Campion, Mia Hansen-Love et Laura Poitras, ainsi que l’actrice Shu Qi.
Une sélection légèrement convenue
À rebours de l’avalanche d’effets de Lanthimos, Ryusuke Hamaguchi a été récompensé pour un très beau film, d’une sobriété absolue. Conte pastoral aux accents écolos, Evil Does Not Exist a reçu le Grand Prix du jury. Le réalisateur japonais complète ainsi son armoire à trophées avec ce prix à la Mostra. Désormais récompensé dans les trois plus grands festivals du monde, il lui reste encore à se parer d’or dans l’un d’entre eux. On ne doute pas que cela arrive dans un futur proche. On se réjouit également du prix attribué à la jeune actrice Cailee Spaeny pour son rôle dans Priscilla, le biopic de Sofia Coppola sur la femme de Presley, l’un des films forts de ce festival.
Mais de façon générale et comme trop souvent, ce palmarès fait la part belle aux démonstrations de force (Lánthimos, Larraín, Franco) et aux sujets de société (Hamaguchi, Holland, Garrone) et laisse sur le bas-côté les deux films les plus audacieux et réussis de la compétition : La Bête de Bertrand Bonello et The Killer de David Fincher. Avec sa SF d’un romantisme fou et sa réalisation quasi lynchienne, le film du cinéaste français nous avait subjugué par sa puissance d’incarnation (le couple Seydoux-MacKay) et son inventivité formelle. Tandis qu’avec son film de tueur à gages minimaliste et anti-spectaculaire, Fincher nous avait impressionné par l’intrépidité de son geste.
Le palmarès complet de la 80e Mostra de Venise
- Lion d’or : Pauvres Créatures (Poor Things) de Yórgos Lánthimos
- Lion d’argent – Grand Prix du Jury : Aku wa sonzai shinai (悪は存在しない) de Ryūsuke Hamaguchi
- Lion d’argent du meilleur réalisateur : Matteo Garrone pour Moi, capitaine (Io capitano)
- Prix du meilleur scénario : Guillermo Calderón et Pablo Larraín pour El Conde
- Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine : Cailee Spaeny pour son rôle dans Priscilla
- Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine : Peter Sarsgaard pour son rôle dans Memory
- Prix spécial du jury : Zielona granica de Agnieszka Holland
- Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir : Seydou Sarr pour son rôle dans Moi, capitaine
- Prix Luigi De Laurentiis du meilleur premier film : Love Is a Gun de Lee Hong-chi
Section Orizzonti
- Prix du meilleur film : Explanation for Everything (Magyarázat mindenre) de Gábor Reisz
- Prix de la meilleure réalisation : Mika Gustafson pour Paradise is Burning (Paradiset brinner)
- Prix spécial du jury : Una sterminata domenica de Alain Parroni
- Prix de la meilleure actrice : Margarita Rosa de Francisco pour son rôle dans El Paraíso
- Prix du meilleur acteur : Tergel Bold-Erdene pour son rôle dans City of Wind
- Prix du meilleur scénario : El Paraíso de Enrico Maria Artale
- Prix du meilleur court-métrage : A Short Trip de Erenik Beqiri
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