Écrite sur-mesure pour un Jonathan Cohen souverain, une comédie d’action impeccable qui n’ignore pas son potentiel de petit objet culte.
Le cinéma est en demande d’ancrages régionaux, de fictions locavores, qui cartonnent dans leur territoire – et souvent partout ailleurs, car même si on n’est pas du coin filmé, on apprécie la démarche : Les Algues vertes fait un tabac en Bretagne nord, et même Oppenheimer sur-performe au Nouveau-Mexique. Sentinelle met ostensiblement en avant son lieu de tournage, Saint-Denis.
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La capitale réunionnaise n’avait jamais été ainsi filmée par un objet de grande exploitation. Elle joue pour beaucoup dans la tonalité de ce film qui débarque ce 8 septembre sur Prime Video, lui conférant son atmosphère à mi-chemin entre le Marseille de la saga Taxi (flics décontractés, farniente, magouilles politiques) et un Miami de cop show ensoleillé (costards colorés, villas bling bling, contreforts vaudou).
Soliste virtuose
À ce décor, le film doit donc beaucoup, mais sans doute pas autant qu’à sa vedette, Jonathan Cohen, coproducteur et interprète de ce rôle d’inspecteur la bavure gaffeur et baratineur, moins intéressé par ses enquêtes que par sa carrière musicale parallèle, en reconversion vers un répertoire de crooner années 1990 (“Est-ce que tu regrettes ?”, complainte lourdasse à la David Hallyday) après un ancien succès dans le zouk grivois (Le kiki). Un rôle, donc, taillé pour la musculature comique désormais bien identifiée de la star du Flambeau, de La Flamme et de Serge le mytho : un humour de bellâtre sûr de son fait et logorrhéique que l’acteur maîtrise en soliste virtuose, et qui pouvait faire craindre ici le déjà-vu, la recette appliquée sans entrain, mais produit à l’inverse l’effet d’une espèce d’envolée acrobatique.
On sent dans Sentinelle le souci d’une certaine exigence, d’une valeur ajoutée appliquée aux motifs très labourés de la comédie policière à décor balnéaire, qui atteignent ici une forme de justesse perdue, là un cran d’humour inédit. Malgré la codification du genre, la force comique du film réside souvent dans sa familiarité, dans sa capacité à restituer des situations sociales reconnaissables – sa dimension relatable. Le texte vise moins la réplique culte que la justesse générale – une certaine comédie de la normalité, des tics de langage et d’expression inhérents notamment à la sociabilité professionnelle, incarnée dans certaines scènes avec Ramzy (excellent en producteur faux cul), ou avec Emmanuelle Bercot.
Future comédie culte ?
Paradoxalement, c’est bien de cette justesse que pourrait naître le culte, que le film vise ostensiblement avec de petits objets destinés au fétichisme au premier rang desquels son clip parodique, qui évoque le Flou de toi de La Personne aux deux personnes – aujourd’hui aussi connu que le film.
Il devrait tout du moins consolider, à un degré supplémentaire, la souveraineté déjà stratosphérique de son interprète sur le comedy game français, qui n’a sans doute pas connu une telle situation de domination individuelle unanime depuis… Jamel ?
Sentinelle de Hugo Benamozig et David Caviglioliavec Jonathan Cohen, Jessy Ugolin, Raphaël Quenard- disponible sur Prime Video
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