Des histoires feel good ou d’horreur, du quotidien, du fantastique et de l’humour grinçant… Les mangas marquants à dévorer.
Pour rencontrer des personnages attachants
Moins âpre que le déchirant Mauvaise herbe où un policier tentait de sauver une lycéenne de la prostitution, Hirayasami prouve que Keigo Shinzo a besoin de peu d’artifices pour émouvoir et donner envie de tourner les pages. Cette série a pour cadre la maison dont Hiroto, un ancien acteur toujours très optimiste, a hérité après avoir noué une relation étonnante avec sa propriétaire maintenant décédée. Il y héberge sa cousine, Natsumi, venue à Tokyo pour ses études d’art et, surtout, publier ses premiers mangas. Se greffe autour de ce noyau dur une galerie de personnages attachants, Yomogi, la conseillère en immobilier, Akari, la copine de Natsumi et Hideki, désorienté par sa paternité.
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Avec une narration fluide et empreinte d’humour, Keigo Shinzo fait ressortir toute leur humanité. On sent la tendresse qu’il nourrit pour ces créatures à qui il impose les péripéties les moins violentes possibles – des retrouvailles inopinées à la piscine, les encouragements bourrus d’un éditeur, une invitation amoureuse surprise.
Hirayasumi vol.3 de Keigo Shinzo (le Lézard Noir), 192p., 13 €, traduction du japonais par Sylvain Chollet. Déjà en librairie
Pour respirer un air poétique
Jusqu’alors les mangas singuliers de Mizumaru Anzai, peintre et illustrateur, auteur de plusieurs couvertures pour Murakami dont il est l’ami, n’étaient jamais arrivés jusqu’à nous. Grâce à l’effort conjugué de deux maisons d’édition, ce mal est réparé et on peut goûter au charme étrange de sa narration et à son dessin original, quasi-cubiste. Période Bleue, chez Cornélius, réunit des histoires qui, si elles datent des années 1970, ont gardé toute leur force poétique et leur sensualité.
Le récit éponyme mêle ainsi avec une grande liberté des références à Modigliani et Picasso ou à la chanson Heartbreak Hotel. Ailleurs, l’auteur réussit à retranscrire les troubles de l’enfance, la transition à l’âge adulte en se livrant à des associations d’idées abstraites ou des métaphores graphiques inattendues. Avec quelques traits, représentant une femme, un paysage enneigé ou un cerisier en fleurs, il parvient à émouvoir. Après la lecture de Période Bleue, on ne peut que conseiller de continuer avec Tokyo Élégie (Imho), autre collection précieuse d’un auteur décalé.
Période Bleue de Mizumaru Anzai (Cornélius), 248p., 24,50 €, traduction du japonais par Olivier Malosse, déjà disponible
Pour une relecture fantastique des années lycée
La lycéenne Shôko est étourdie et d’autant plus mal dans sa peau que ses tentatives de séduction tombent à plat. Quand elle rencontre la discrète Sui, l’entente est immédiate. Mais son amie cache un secret : elle peut matérialiser les choses qui lui passent par la tête… Un pouvoir qui devient à double tranchant pour cette ado victime de harcèlement. Avec ce premier tome, la dessinatrice Kon Kumakura lance une trilogie intrigante, à la fois sensible et réservant une grande place à l’invention et au fantastique.
Blank Space tome 1 de Kon Kumakura (Casterman), 176p., 8,45€, traduction du japonais par Alexandre Fournier, déjà disponible
Pour visiter un univers tordu
“Attention, cette histoire n’est qu’un rêve”, prévient un personnage bizarre avant que le premier récit ne bascule de l’onirisme doucereux au cauchemar sanglant. Il ne faut pas se fier au trait naïf d’Hideyasu Moto, aux lapins et aux enfants à tête ovale qui peuplent son imaginaire délirant et sanglant. Datant des années 1990, les histoires courtes réunies ici sont parfois empreintes de psychédélisme – les allusions aux Beatles sont nombreuses – mais ressemblent à des assauts punks menés contre l’insouciance de l’enfance, les vies bien réglées et la culture kawaï.
Avec un humour grinçant, l’auteur montre la face cachée et cynique d’un univers qui, sinon, basculerait dans le mièvre. La quinzaine de pages de Ton ami est bien représentatives de la griffe destroy d’Hideyasu Moto. Un Vénusien y est chaleureusement accueilli par une famille de Japonais puis retourne dans l’espace. Sans états d’âme, il condamne la Terre et écrase l’écureuil que lui a confié le petit garçon. Méchamment drôle.
Une chouette vie d’Hideyasu Moto (Misma), 232p., 20 €, traduction du japonais par Charles Lamoureux
Pour frissonner d’horreur
Un scientifique découvre une planète, la nomme d’après sa fille, Remina. Celle-ci accède instantanément à la célébrité tandis que son père reçoit le Prix Nobel. Mais quand la course folle de la planète l’envoie droit sur la Terre, de manière absurde, une partie de la population désigne Remina et son père comme les coupables. Pire, les deux risquent le lynchage. Publié initialement en 2008, ce manga rappelle pourquoi Junji Ito est devenu le maître de l’horreur avec son dessin virtuose, ses images dérangeantes et sa mécanique implacable.
Remina de Junji Ito (Delcourt), 295p., 19,99 €, traduction du japonais par Jacques Lalloz.
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