Chineuse de tendances connue pour le légendaire concept store colette, codirigé pendant vingt ans avec sa mère, Sarah Andelman continue de tisser des liens entre les mondes de l’art, et le tout sans établir de hiérarchies. De l’édition de livres, à une vente aux enchères avec Pharrell Williams : l’œil d’Andelman reste le plus demandé de 2023. Rencontre.
Un manteau composé d’oursons en peluche signé Jean-Charles de Castelbajac, un casque de F1 designé avec Lewis Hamilton ou une sculpture aux couleurs pops enfantines imaginée par Takashi Murakami : il n’y avait qu’une personne capable de réunir ces œuvres hétéroclites pour Pharrell Williams, vendues dans le cadre d’une vente aux enchères nommée Just Friends en juin dernier. Son prénom ? Sarah, connue pour avoir été, de 1997 à 2017, la moitié de colette, concept store prénommé d’après sa mère, Colette Roussaux, avec qui elle codirigeait le lieu.
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Louée pour sa discrétion, Andelman fait pourtant du bruit depuis plus de deux décennies. Au milieu du triangle d’or parisien, elle cocréa un canal de tous les possibles au 213 rue Saint-Honoré. Ici, cosmétiques, design, électronique, mode et sélection d’eau minérale se côtoient. Le modèle Fury de Reebok, la G-Shock Casio ou encore les bracelets ressorts en inox La Molla font partie des premières articulations présentées dans la boutique en 1997. Paris découvre alors l’idée de “concept store”. Luxe et ordinaire, pop et underground s’y mélangent. Tout le monde s’y retrouve.
Des Liaisons dangereuses aux liaisons cool
Pourtant, en 1997, la rencontre entre des robes à 6 000 francs et des CDs japonais dans la rue des grandes maisons de luxe est un véritable pari. Sarah est encore étudiante en histoire de l’art et sa mère quitte le Sentier et sa boutique de grossiste en prêt-à-porter. L’idée ? Travailler ensemble et dessiner une idée de la mode et du cool en dialogue, où toutes formes d’objets, disciplines et esthétiques communiquent. Trouver des choses qu’on ne voit pas.
Au fil des années, Karl Lagerfeld devient un fidèle, tandis que Kim Kardashian ou Kate Moss côtoient le lieu. La magie aurait pu durer éternellement, mais, au summum de la hype, la boutique ferme en 2017, alors que beaucoup essaient de l’imiter. Cinq ans après, le hashtag #coletteforever fleuri sur Instagram et la magie continue avec de nouveaux projets pour Andelman, que ce soit avec Just An Idea, la société de conseil aux marques lancée en avril 2021 ou à travers des collaborations inédites. Citons Just Friends, pensée spécialement pour le projet novateur de vente aux enchères Joopiter de Pharrell Williams en juin dernier. Ami de longue date, il contacte Andelman quelques mois avant sa nomination au titre de directeur des collections hommes chez Louis Vuitton, et lui demande d’imaginer la prochaine vente. Si elle n’a pas de collection personnelle à mettre aux enchères, son expertise n’a pas de prix.
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Résultat : une sélection d’artistes issue de mondes variés : “J’ai désiré rassembler des artistes de toutes générations, mais aussi venant du monde entier ; des États-Unis, d’Europe, d’Afrique, et touchant aussi bien à la joaillerie, à la mode, qu’à l’art.” explique-t-elle. Parmi ses coups de cœur, elle évoque le jeune designer de Brooklyn Levi Pitters — 10 000 abonnés sur Instagram, ayant imaginé des tables surréalistes dotées de jambes vêtues de vêtements inspirés des looks de Pharrell Williams et des baskets portées par l’artiste. “Je tenais à compléter la section par des jeunes artistes prometteurs.” commente-t-elle.
Nouvelles niches
Cet art simultané du tissage d’univers a priori éloignés et du chinage d’artistes pointus est également au cœur de son activité d’édition avec Just an Idea Books lancée en 2021 – soit des séries de cinq à sept portfolios d’artistes connus et undergrounds, édités à 300 ou 400 exemplaires et désignés par l’éclectique Yorgo Tloupas.
“Je veux avoir une trace papier, ne pas avoir à prendre mon téléphone pour poursuivre tel artiste. Donc c’est vrai qu’éditer des livres peut sembler anachronique dans le monde digital où l’on est. Mais je crois toujours au livre, à la mémoire du papier, à l’objet dans les mains, le temps qui s’arrête. C’est important, non ?” explique-t-elle.
Parmi les talents de la première série, on retrouve Nicole McLaughlin, designeuse qui assemble des éléments épars du quotidien pour créer des silhouettes ludiques upcyclées, ou encore le fleuriste aux bouquets minimalistes Louis-Géraud Castor.
https://www.instagram.com/p/CtOXwfAMrZc/?img_index=1
Pour la troisième série, lancée en 2023, elle a notamment fait appel à Andrew Bush, “le seul artiste édité dans mes dix-sept livres qui n’est pas sur Instagram” plaisante-t-elle. Rencontré à l’époque de colette pour son livre Drive, où il capturait les gens de Los Angeles coincée dans les embouteillages, c’est pour une série articulant – à nouveau, des personnes et leurs objets personnels qu’Andelman le contacte : “Il s’agit de photographies datant des années 1990 et capturant des gens aux puces, posant devant un simple drap avec les objets qu’ils viennent d’acheter. Entre les looks des personnes, qui témoignent vraiment de l’époque, et les objets ayant eu plusieurs vies, j’ai pensé que ces séries étaient vraiment intéressantes et qu’ elles illustrent quelque chose de la société actuelle.” raconte Sarah Andelman, précisant que le livre est notamment préfacé par le philosophe Emanuele Coccia, et parle de la vie des objets dans une ère ou l’obsolescence de ces derniers est de plus en plus inquiétante.
Les projets pour 2024 ? Un quatrième série de livre, réunissant, comme toujours, un alliage unique d’artistes, que personne n’aurait pensé réunir, mais qui mis ensemble racontent quelque chose du temps présent. C’est ça la poésie Sarah.
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