Avec tendresse et sobriété, Shō Miyake court-circuite le film de boxe pour mieux se recentrer sur ses personnages et raconter leur marginalité.
Le monde qui entoure la boxeuse Keiko Ogawa est constamment assourdissant mais cette fourmilière sonore, Keiko ne l’entend pas. Ce bombardement sonore de trains circulant sur les rails, de foules de gens dans les rues et de voitures qui transpercent l’arrière-plan ne vient pas obstruer sa perception d’un monde sans bruit. Pourtant, la vie intérieure de la jeune femme n’est jamais calme et tranquille. Sous son enveloppe stoïque se cachent un bourdonnement épuisant et les cicatrices d’une lutte intérieure.
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À première vue, La Beauté du geste est un drame sportif classique sur la façon dont le sport peut nous apprendre à persévérer face aux épreuves de la vie. La boxeuse se prépare pour son prochain match. Elle s’entraîne religieusement du lever au coucher du soleil. Le film avance sur rails jusqu’à ce qu’il s’éloigne des sentiers du genre : ni foule bruyante au bord du ring encourageant Keiko, ni grands discours guerriers, ni grand trophée à la clef. Le cinéaste Shō Miyake compose un récit où le match final pourrait sembler bien insignifiant et qui, comble de l’insolence, fait de l’entraînement l’acte le plus cinématographique au détriment du combat sur le ring.
Deux personnages en marge d’une société indifférente
Par le toucher granuleux de sa photographie 16mm captant les pulsations d’un Tokyo mis à l’arrêt, La Beauté du geste renonce à une grande partie de ce qui est familier au genre pour se recentrer à la place sur une tendre étude de personnages dont la relation entre Keiko (Yukino Kishii) et son mentor (Tomokazu Miura) forme le cœur battant du film. Deux personnages mis en marge d’une société indifférente – la première pour son handicap (dont la pandémie du covid aggrave violemment les outils de communication), le second pour son âge avancé – dont la solidarité face aux épreuves va au-delà des mots. Remarquable pour signifier en silence et avec tant de subtilité les émotions et le monologue interne de son personnage, l’actrice Yukino Kishii parvient, comme le suggère le titre original du film, à nous faire écouter par ses yeux.
La Beauté du geste, de Shō Miyake, avec Yukino Kishii et Tomokazu Miura, en salle le 30 août
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