Avec un premier album reliant le rock des fifties au laptop, le Néo-Zélandais en costard Willy Moon invente le twist 3.0. Critique et écoute.
C’est une success-story taillée pour Hollywood : l’histoire d’un jeune Néo-Zélandais débarqué à Londres les poches vides, qui se hisse quelques années plus tard au sommet des charts avec une série de morceaux de rockabilly electro qui semblent passer les classiques d’Elvis et de Bo Diddley à la moulinette electro-pop.
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Vous connaissez déjà Willy Moon sans le savoir, son Yeah Yeah samplant le Wu-Tang Clan ayant été choisi par plusieurs marques pour dynamiter leurs campagnes de pub. Son répertoire tout entier a en outre séduit Jack White, qui l’a convié à partager sa tournée anglaise. Après quelques singles, le musicien publie aujourd’hui Here’s Willy Moon, un premier album étonnant qui relie l’histoire du rock’n’roll des fifties à l’ère du laptop.
Pour ses clips, ses costumes et sa façon de danser, on a décrit Willy Moon comme un rigolo gigolo. Pourtant, l’histoire du jeune homme a démarré dans la douleur. Né en Nouvelle-Zélande il y a moins d’un quart de siècle, il perd sa mère, atteinte d’un cancer, à l’âge de 12 ans. Pour avoir passé trop de temps au chevet de cette dernière, son père se retrouve au chômage et doit quitter l’Océanie pour partir travailler en Arabie saoudite, Willy restant avec sa soeur, de quatre ans son aînée – la fête à la maison. “Ma soeur ne m’a jamais dit ce que je devais faire ou ne pas faire. J’avais beau être avec elle, je me sentais seul. C’est la raison pour laquelle, à ma majorité, j’ai quitté la Nouvelle-Zélande pour rejoindre Londres. Je me suis dit que, quitte à me retrouver seul dans la vie, autant l’être dans une ville excitante. En Nouvelle-Zélande, j’avais toujours l’impression de passer à côté de l’essentiel. J’étais convaincu que la vie était faite de choses formidables mais que je ne pouvais y avoir accès là-bas. Le pays est trop bucolique, trop confortable. Ce n’est pas le genre d’environnement qui peut vous amener à l’art ou à la création. Pour ça, il faut vouloir se battre.”
De Londres, Willy garde des souvenirs d’enfance. Professeurs intérimaires, ses parents y ont assuré des remplacements. A l’époque, le jeune garçon et sa soeur parcourent la ville. Ils visitent toutes ses institutions culturelles, du V&A au British Museum, et se rendent à des concerts de jazz à l’heure du déjeuner, le vendredi. “J’ai réalisé que tout le monde imaginaire lié à l’art que j’avais dans la tête existait vraiment. Londres rendait mes rêves possibles.”
Le rêve va virer au cauchemar. Quand il revient à Londres, à 18 ans, Moon est fauché comme les blés et emménage dans la chambre sans fenêtre d’une ancienne usine du quartier populaire de Seven Sisters. Pour vivre, il devient peintre en bâtiment et consacre son temps libre à l’expérimentation de drogues en tout genre. “J’avais un boulot abominable dans une ville grise et glauque que désormais je méprisais. Je me sentais comme un héros de Dickens arrivant aux Etats-Unis le coeur rempli d’espoir et découvrant la plus sinistre des villes.” Dans ce contexte morose, l’amour d’une jeune femme va néanmoins sauver Willy. Elle est photographe, porte un joli nom (Sasha Rainbow) et lui fait découvrir les disques des Andrew Sisters. Le couple fuit bientôt la capitale anglaise. “Nos cartes de crédit étaient bloquées, on n’avait plus rien. On a fini chez une amie artiste à Berlin. Et j’ai commencé à écrire mes chansons. Je voulais créer quelque chose qui m’appartienne, agencer mon propre monstre. Il fallait que je trouve un sens à ma vie. Jusque-là, mon existence n’avait été qu’une succession infinie de journées.”
Pour vivre, Willy peint les murs des appartements et donne des cours de guitare. Dès qu’il peut, il va à l’internet café le plus proche pour regarder, en boucle, des vidéos de Buddy Holly. “Au départ, mes artistes préférés étaient les Cramps, les Ramones. J’adorais la simplicité et la sauvagerie du punk. Puis j’ai découvert le rock’n’roll des années 50 et réalisé que tout venait de là. Cette musique, c’était déjà du punk. Dans le son, dans l’attitude.”
Riche de ces amours anciennes, Willy Moon a agencé un drôle de disque : court (vingt-neuf minutes), à la fois tourné vers le passé et résolument de son temps, suave et plein de petits tubes indécents dont les seuls titres semblent légendaires (I Wanna Be Your Man, Get up, She Loves Me, My Girl). Nostalgique moderne, il a revisité, dans des versions très actuelles, les classiques I Put a Smell on You de Screamin’ Jay Hawkins et I’m Shakin’ de Little Willie John.
Here’s Willy Moon, bien que puisant sa substance dans le rock’n’roll fifties, apparaît beaucoup plus contemporain que bon nombre de disques de pop, certes recommandables, parus en 2013 (Foxygen, Jacco Gardner, Unknown Mortal Orchestra…). “Je ne fais pas de la musique rétro, contrairement à ce qu’on dit souvent. En revanche, j’aime jouer avec les vieux éléments. Je tire une grande satisfaction à faire fondre les idées d’hier pour mieux les sculpter, les modeler à nouveau.” Bon comme la lune.
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