Avec 466 livres (contre 521 l’année dernière), dont 321 romans français, 145 traduits et 74 premiers romans, cette rentrée littéraire s’annonce comme la plus minimale depuis des années. Elle est pourtant l’une des plus riches en textes forts et nouvelles voix. Voici notre sélection de cinq premiers romans (le reste est à retrouver dans notre magazine en kiosque !).
Élise Goldberg, Tout le monde n’a pas la chance d’aimer la carpe farcie (Verdier)
C’est l’un des premiers romans les plus singuliers de la rentrée. La narratrice hérite du frigo de son grand-père, juif ashkenaze immigré de Pologne. Autour de souvenirs et de questionnements liés à la gastronomie d’Europe de l’est, Goldberg construit un savoureux texte fragmentaire qui peu à peu se charge d’émotion. Elle retrace ainsi le parcours d’une famille marquée par la Shoah, s’interroge sur les vides d’une mémoire traumatique et sur le yiddish, langue des origines que la narratrice ne parle pas.
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Joséphine Tassy, L’Indésir (L’Iconoclaste)
Après une nuit à danser dans une boîte parisienne, Nuria est réveillée par une nouvelle tragique : la mort de sa mère. Elle se rend aux obsèques de celle qu’elle a à peine connue. Qui sont toutes ces personnes venues pour lui dire adieu ? D’une rencontre à l’autre, Nuria tente de dresser le portrait kaléidoscopique d’une femme complexe. Pour son premier roman, la jeune autrice de 26 ans choisit une narration à la première personne qui explore avec une précision et une sensibilité rares les questions d’héritage et déconstruit le mythe d’un amour filial inconditionnel.
Léna Ghar, Tumeur ou tutu (Verticales)
Coincée entre une mère violente et un père passif, la narratrice de Tumeur ou tutu monologue jusqu’à la déraison. Elle cherche à comprendre la brutalité du monde qui l’entoure et à la nommer. Comme notre langage — qui est celui des gens qui ne la protègent pas — ne lui suffit pas, elle invente ses propres mots, sa propre syntaxe. Dans ce premier roman, Léna Ghar réussit à retranscrire une voix d’enfant avec une précision infinie et nous plonge dans l’horreur des violences intrafamiliales.
Chloé Ronsin Le Mat, Anna partout (Scribes)
Anna partout commence comme le récit presque inoffensif d’un jeune homme en pleine crise existentielle, disant par fragments l’obsession qu’il développe pour sa demi-sœur. Puis la narration devient de plus en plus ambiguë et complexe. Dans ce premier roman très maîtrisé, Chloé Ronsin Le Mat raconte, en reprenant ses codes, cette génération qui a appris à écrire en publiant des blogs et à regarder en matant les photos des autres sur le Net. Et elle analyse comment ce changement de paradigme influe nos fictions contemporaines.
Debora Levyh, La Version (Allia)
Au début, La Version se présente comme un rapport anthropologique, une suite d’observations sur un peuple qui vit dans “un espace souple, une zone grise”. Mais au fil des pages, la personne qui écrit le rapport bute sur les mots. Elle cherche de quelle manière adapter notre langage, conditionné par notre histoire et notre système de valeurs, pour dire l’altérité. Un premier roman ambitieux, surprenant à chaque page, qui réussit avec humour et poésie à faire plier la langue pour faire émerger de nouveaux récits.
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