Dans notre prochain numéro en kiosque le 23 août prochain, il semblait impensable de ne pas évoquer le JDD. Cette page rajoutée in extremis pour dire l’effarement, nous vous la proposons en lecture aujourd’hui alors que la nouvelle version montre déjà ses failles.
Je ne suis pas une lectrice régulière du JDD, et si ce journal du dimanche fondé en 1948 n’a jamais été “de gauche”, il n’avait tout de même rien à voir avec Valeurs actuelles, Minute et Radio Courtoisie, dont les pensées xénophobes sont désormais au cœur de sa ligne éditoriale, via son nouveau directeur de la rédaction Geoffroy Lejeune, comme son équipe.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Xénophobe mais aussi fake. Le projet n’est pas journalistique mais d’opinion rance, quitte à tout amalgamer, tout déformer, tout prendre par un trou de serrure, le plus minuscule possible. En témoigne l’erreur incroyable consistant à utiliser la photo d’une marche blanche en hommage à Enzo, un ado tué par une voiture en début d’année, pour illustrer leur dossier de une sur Enzo, un autre ado tué à l’arme blanche le 22 juillet dernier. Le premier Enzo n’étant jamais cité dans ce numéro. C’est si fou qu’on penserait au scénario d’une dystopie sur la fin du journalisme.
Va-t-on laisser l’espace médiatique à l’extrême droite ?
Au-delà du fait que ce changement de direction et de ligne éditoriale pilotée par le fervent catholique d’extrême droite Vincent Bolloré vise à faire entrer dans le crâne des lecteur·rices des idées assez tordues et nauséabondes pour paver la voie à l’accession au pouvoir du RN en 2027, ce projet est inquiétant également pour une autre raison. Va-t-on laisser l’espace médiatique à l’extrême droite ? Va-t-on se contenter de Twitter, pardon, de X, pour s’informer ? C’est-à-dire ne rien comprendre à rien ? Va-t-on renoncer ? Se dire que c’est ça, “la modernité”, regarder des vidéos de cuisine sur TikTok en contemplant l’accroissement des empires vides des influenceur·ses tout en lisant deux tweets, pardon deux “posts”, contradictoires ?
2027, c’est demain. On l’a déjà dit, on l’a répété. Nous y sommes encore. Cet été, en Italie, Georgia Meloni a demandé d’effacer le nom de la mère non biologique des actes de naissance d’enfants de couples de femmes. En France, notre secrétaire d’État à la Ville, Sabrina Agresti-Roubache, donne une interview au premier numéro du JDD d’après grève en ayant l’indécence de dire : “On ne peut pas avoir été Charlie, être allé manifester et mettre aujourd’hui en pièces la liberté d’expression […] Je suis une fille de Cabu.” Des retours en arrière, des amalgames, de la confusion qui ne visent qu’une chose : nous faire perdre pied, nous angoisser, nous terroriser, nous paralyser. Après quoi courent-ils ? La haine des autres, leur succès personnel. L’ère du like bouffe même la politique. Il est plus que temps de se mobiliser. Intellectuellement déjà. Défendre nos idées, nos convictions, nos acquis. Défendre nos espaces de liberté et d’expérimentation, qui passent aussi, je l’espère, par Les Inrockuptibles. Geoffroy Lejeune a beau fanfaronner, il n’est qu’un sombre énergumène de plus. Veillons à ce qu’il n’en soit pas autrement.
{"type":"Banniere-Basse"}