Un jeune couple quitte la ville pour la campagne catalane. Dans ce nouveau territoire, elle et il vont devoir réajuster leurs envies, leurs désirs et leurs rêves. Un premier film réussi pour le réalisateur espagnol Mikel Gurrea.
Suro signifie liège en Catalan, matière précieuse planquée sous l’écorce des arbres. C’est en deux néo-ruraux, propriétaires d’une plantation de chênes-lièges que se rêvent Elena (Vicky Luengo) et Ivan (Pol López). Le jeune couple urbain tiré du chahut barcelonais et fraîchement installé dans un mas en pierre perdu en terres catalanes décide de changer de vie en tirant profit de cette nouvelle activité.
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Le film nous plonge dans leur quotidien, d’abord heureux, joie et excitation mêlées, de faire peau neuve, d’écrire à deux (et bientôt à trois) les fondements d’un nouveau récit de couple, de famille. Comme As Bestas avant lui, thriller agricole tendu signé Rodrigo Sorogoyen, Suro se situe quelque part entre le western aux accents de thriller (la figure de l’étranger regardée d’un mauvais œil par des ouvriers agricoles aux gueules patibulaires) et l’étude quasi sociologique d’une cohabitation houleuse faite de particules a priori opposées (bourgeois/paysans, campagne/ville, masculin/féminin). Le film, premier long de fiction de son auteur Mikel Gurrea, avance sereinement, comme engourdi par le calme du lieu, son soleil de plomb et quelque chose d’une inquiétante pesanteur. Mais il est aussi constamment nourri d’une vitalité souterraine et menaçante, insidieux venin qui finira par se nicher au sein même du couple amoureux pour en grignoter le cœur.
Sous l’écorce
Comme dans un dépeçage long et douloureux, les illusions s’abîment, les habitudes viennent progressivement mettre à mal les idées que chacun·e se faisait de l’autre : Ivan voudrait se faire accepter et respecter des hommes qu’il emploie. Il se voudrait camarade mais aussi comme un garçon à la virilité validée, tandis qu’Elena est préoccupée par des soucis plus bourgeois (transformer la maison en une somptueuse demeure design).
Tout pourrait être outrancièrement stéréotypé, si Suro n’était pas traversé par cette rugosité quasi surnaturelle qui émane en grande partie de ces impressionnantes séquences d’écorçage d’arbres filmées dans un souci documentaire et pourtant rendues à l’état de scènes d’autopsie surréalistes. Anatomie d’un couple et d’un territoire, quelque chose d’un plateau de jeu distingue Suro dans la façon dont chacun de ses protagonistes se pense détenteur d’une vérité et d’un savoir. C’est peut-être là ce qui finira par tout faire brûler : croire radicalement en l’assignation des rôles.
Suro de Mikel Gurrea en salle le 2 août
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