L’Américain rate le virage du deuxième album et se fourvoie sur une autoroute embouteillée par les références. Critique et écoute.
On avait apprécié, en 2011, qu’Hanni El Khatib ne nous fasse pas perdre notre temps avec des ritournelles superfétatoires et ampoulées. Tel un uppercut, Will the Guns Come out allait droit au but, même s’il ne prenait pas de gants, avec sa déferlante de riffs crasseux et de mélodies équarries tout droit sortis de l’Amérique garage. A l’instar de la voiture de flics affichée en devanture d’album, nous restions, passé ces 31 minutes d’un rock’n’roll teigneux, joué pied au plancher mais avec une économie de col bleu, sur le flanc.
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Etant donné les trésors d’ingéniosité déployés à l’époque, on s’attendait à ce que le Californien frappe encore plus fort à l’occasion du deuxième album, bizutage en règle qu’on l’imaginait relever haut la main. Las. Au bon goût astringent d’un Tom Waits ou à l’urgence rageuse du Gun Club et de Jon Spencer, qui en faisaient jadis un outsider de compète, Hanni a cette fois préféré le schéma d’un rock fourre-tout, fédérateur, sans nuances ni puissante inspiration.
Au fil de ce Penny qui ne vaut pas tripette, de l’évocation du reggae blanc des Clash (Nobody Move), de la surexcitation souvent gratuite d’un Jerry Lee Lewis (Family) ou du fantôme des White Stripes et de leur Elephant sur l’inaugural titre éponyme, nous voilà taraudés par une question : était-il nécessaire de filer la métaphore d’une telle filiation, jusqu’au pastiche qui tache ou sans alcool ?
La production de Dan Auerbach, binôme en chef des Black Keys recruté ici comme gage de qualité, ne fait qu’élever Head in the Dirt au rang de blitzkrieg sonore derrière lequel pointe, une fois le nuage de ce bombardement retombé, une terrible vacuité. El Khatib était suffisamment doué pour se soustraire à un tel parrain, dont on se demande s’il n’a pas volontairement pissé sur la copie de l’élève de peur de se faire dépasser. La boursouflure et la fatuité en moins, Head in the Dirt fait à peu près autant d’effet que cette autre éponge saturée d’influences qu’était le Mama Says de Lenny Kravitz. Aussi abrasif qu’une Gratounette : l’album d’un fort en thème à qui il manque pourtant la magique équation.
Concerts : le 25 mai à Nîmes (festival This Is Not a Love Song), le 1er juin à Nantes (festival Indigènes), le 20 juillet à Carhaix (Vieilles Charrues)
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