Avec son deuxième album « Indiamore », enregistré dans le Nord-Est de l’Inde, le Français et hurluberlu Chassol continue son parcours sinueux et sans fautes. Rencontre et écoute.
C’est l’an passé que l’on découvrait Christophe Chassol, avec un premier album publié chez Tricatel, X-Pianos, objet absolument inclassable sur lequel le jeune musicien (passé chez Sébastien Tellier et chez Phoenix) regroupait le meilleur de ses récentes productions. On avait ensuite eu la chance d’assister à l’un de ses concerts, au Café de la Danse à Paris, pour lequel il jouait sur le film Nola Cherie, tourné avec un brass band de La Nouvelle-Orléans. Film qu’il magnifiait en duo, en compagnie d’un batteur, pour une heure de musique particulièrement intense et inoubliable. Moins d’un an plus tard, c’est avec un nouvel essai intitulé Indiamore que Chassol revient aux affaires, un disque qu’il a débuté entre Bénarès et Calcutta, en Inde donc, où il a rencontré, filmé et enregistré lors de plusieurs voyages les musiciens qui peuplent ce nouvel essai, sorte d’album-docu confondant les esprits aventuriers de Steve Reich, Alan Lomax et Johan van der Keuken.
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Indiamore commence presque comme un livre-disque. On y entend, dès l’ouverture, la voix de Chassol qui pose les bases de la musique indienne, reprenant les propos d’un des musiciens : “Il me disait qu’il voyait la musique indienne comme deux lignes horizontales. La première, généralement jouée par un tampura, symbolisait la basse. C’était un flux, un ton, un tronc. Une racine qui définissait le point d’ancrage de l’harmonie. La seconde représentait la mélodie et ses chemins sinueux.” A partir de cette phrase d’intro d’une précision folle qui ouvre en même temps un fantastique champ des possibles, Chassol construit un disque d’une richesse incroyable, une épopée discrète faite de rencontres précieuses et de traversées intérieures, que Chassol a utilisées pour procéder aux harmonisations du réel – dont il a le secret (voir sur le net ses réalisations à partir d’images d’Obama reprenant Al Green).
Pour évoquer Indiamore, il nous a reçus dans son appartement et studio parisien. C’est ici qu’il a dérushé les images et conçu l’architecture de cet album fourmillant, où les tablas, les sitars et les sons indiens se mêlent à merveille aux harmonies occidentales, pour une fusion futuriste qui peut évoquer – le côté indien en moins – les expériences récentes de Daft Punk. Avant de nous faire visiter son studio, Chassol explique comment, à partir de rencontres (il a été deux fois en Inde pour cela), il a mis en place l’arborescence particulière d’Indiamore. “C’est un disque très intime. J’ai le sentiment d’avoir été sincère et honnête avec tous les musiciens, que j’ai d’abord rencontrés lors d’un voyage préparatoire, avant de revenir les filmer. J’ai pris le soin d’expliquer ce que j’allais faire, comment j’allais manipuler les choses, mettre les rencontres en perspective.”
Ainsi, Indiamore est une sorte de galerie de portraits en musique, une oeuvre polymorphe et inédite dont Chassol assure la cohérence et la direction, posant sur les images et les sons qu’il a saisis une post-musique qui englobe et circonscrit son projet avec une grande cohérence. Document hybride, Indiamore peut d’abord se regarder comme un film, mais peut aussi s’écouter sans l’image. Deux expériences différentes qui font l’originalité et le pluralisme de son projet, et qui rappellent combien, en quelques mois, Christophe Chassol, 36 ans, est devenu l’un des musiciens les plus fascinants d’ici (il fallait voir les yeux ébahis de toute la jeune scène rémoise, des Shoes à Yuksek, lorsqu’il présenta Indiamore pour la première fois au festival Elektricity en mars).
S’il projette déjà, dans la foulée de ce projet, de partir pour le Brésil renouveler l’expérience, Chassol n’entend pas faire de cette forme particulière un fonds de commerce. “Après La Nouvelle-Orléans, l’Inde et le Brésil, je pense que je vais m’arrêter là. Je ne veux pas finir avec un énième projet du genre Chassol au Congo”, plaisante-t-il. Récompense ultime, Chassol a été invité par Laurie Anderson pour jouer Indiamore en juin prochain. Curatrice d’un festival planté en plein coeur du port de New York, la femme de Lou Reed, qui a craqué sur la musique du jeune Français, a décidé d’offrir une place particulière aux échappées indiennes de Chassol.
Fin juin, ce dernier emmènera également Indiamore du côté de Montréal, pour le festival de jazz, qui lui a confié trois soirs au musée d’Art contemporain de la ville. “C’est ce que je préfère, faire voyager ma musique, la jouer devant des spectateurs qui ne savent absolument pas à quoi s’attendre.”
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