Présenté à l’Acid Cannes 2023, “Caiti Blues” suit le quotidien difficile d’une jeune chanteuse invisibilisée au fin fond de l’Amérique.
Hasard du calendrier des sorties, Caiti Blues sort le même jour que Barbie. D’un côté la superproduction hollywoodienne d’un mastodonte du jouet tentant de se racheter une conscience féministe et surtout de nous vendre ses produits, de l’autre, un documentaire modeste dans sa forme mais grand dans son ambition, qui n’a aucun message et encore moins de produits à vendre.
Caiti Blues nous immerge dans le quotidien blafard d’une jeune chanteuse vivant dans un ancien village minier du sud-ouest des États-Unis. L’une est un archétype de féminité dominante tandis que l’autre, par sa corpulence et sa classe sociale, est invisiblisée.
Americana de bric et de broc
Ce documentaire de la Française Justine Harbonnier rend visible cette vie-là, nous la fait toucher quasiment comme si Caiti était une voisine. Sans jamais tomber dans la facilité et en se déployant toujours là où on ne l’attend pas, le film décrit une Americana post-Trump précaire, désenchantée mais solide, faite de bric et de broc et soutenue par une communauté solidaire, comme un rempart à l’implacable isolement.
Cabossée par la vie, Caiti travaille dans un bar pour rembourser le prêt qu’elle a contracté pour des études qui ne lui servent à rien. Une fois son tablier posé, elle file à la station de radio locale pour tenir son émission quotidienne, avant de se produire sur la scène d’un cabaret drag le soir, moment où la jeune femme discrète se mue en bête de scène.
Cette Amérique filmée comme un champ de ruines n’est jamais misérabiliste, et pas plus romantique. Cette vie-là est filmée sans phare et loin des projecteurs, dans un état de résistance apaisé mais transfiguré par la dimension camp que permet la scène. Ritournelle résonnant entre chien et loup, Caiti Blues est un enchantement.
Caiti Blues de Justine Harbonnier, en salle.