En interrogeant des politiques sur sa chaîne HugoDécrypte, il démontre que le LOL et la connivence ne sont pas des fatalités. Au risque d’être trop sérieux ?
Le tableau détonne. Vêtue en rouge et noir, Nathalie Kosciusko-Morizet répond aux questions d’un youtubeur portant jeans, baskets et sweat à capuche. Le profil typique de l’étudiant ? Gagné. Hugo Travers vient de Sciences-Po. Il a 19 ans. Face à l’ex-ministre, il parle logement, enseignement, rôle de l’autorité, scepticisme des générations Y/Z.
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Les doutes passés au crible sont ceux des 15-25 ans, soit l’audience de sa chaîne de vulgarisation HugoDécrypte, créée il y a bientôt un an. Et ce n’est qu’un début. Dans les semaines à venir, l’intéressé interrogera l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle de 2017.
Au détour d’un café express, Hugo précise qu’il s’agit d’instaurer un “média citoyen”. Le but ? Sensibiliser ceux qui, pour la première fois, déposeront un bulletin dans l’urne et le faire via “leur propre façon de consommer l’information”.
De Sarkozy à Mélenchon, tous répondent présent
Lorsqu’en septembre la boîte Blog Presse Agency lui propose de participer à une table ronde entre politiques et podcasteurs, Hugo les convainc du haut de ses 83 000 abonnés d’organiser en parallèle sa propre série d’entrevues. Banco !
De Sarkozy à Mélenchon, tous répondent présent. Et en premier lieu, Bruno Le Maire. Celui que l’ado surnomme “BLM” se laisse aller OKLM au parler djeunz : “Je voudrais que n’importe quel petit Français dans n’importe quelle école de France puisse se dire ‘Putain je suis français, c’est la classe !’”.
La familiarité est là, mais pas question de vriller vers la connivence. “On n’est pas dans Une ambition intime, rassure-t-il d’un rire complice. Je veux informer les jeunes via un contenu qui leur ressemble, carils se méfient des médias traditionnels, trop proches du pouvoir.”
Intéresser les millennials aux grands enjeux de l’actualité
Le journaliste en herbe a une conviction : “S’engager, ça commence en étant informé.” Exit la propagande. Sans accompagnement musical, le cadre est épuré, la parole est longue (trente minutes) et détachée du brouhaha médiatique. Mais Hugo prend également le contrepied des “youtubeurs d’opinion” comme Usul (Mes chers contemporains), Kriss (Minute papillon) et ceux d’Osons causer. Denrée rare sur la plate-forme, la neutralité demeure le meilleur moyen de décrypter un discours car “ce n’est pas en jugeant les valeurs mais en énonçant les faits qu’on lutte”.
A ses yeux, le fact-checking est recommandé face aux envolées populistes de Donald Trump et Marine Le Pen. Mais l’avis est loin d’être partagé. Sur le plateau de La Nouvelle Edition, il suffit de cinq minutes pour que Daphné Bürki le qualifie de “Pujadas du net”. Comprendre : trop tiède ! Hugo s’amuse de cette situation, lui qui préfère Le Petit Journal à L’Emission politique. Pas pour son humour taquin mais pour son côté “fédérateur”. Il cite Martin Weill, qui “arrive à traiter de sujets internationaux en seulement cinq minutes et à captiver les jeunes”.
Bien décidé lui aussi à intéresser les millennials aux grands enjeux de l’actualité, le youtubeur marche sur les pas des vidéastes savants (E-penser, Nota Bene, Doxa) et souhaite “montrer les contradictions du débat public”. Son slogan ? “Ne jamais avoir peur d’être trop sérieux.” Et si militer pour un web épuré de sa dictature du LOL était déjà une forme d’engagement politique ?
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