Dans le sillage d’Anne Teresa De Keersmaeker, Bintou Dembélé met le festival en transe avec son “G.R.O.O.V.E.” contagieux.
Une rumeur embrase le plateau de l’Opéra du Grand Avignon. Rejoints par une centaine de spectateur·trices, les performers de G.R.O.O.V.E. se lancent dans un ultime assaut de gestes. Bintou Dembélé vient de conclure, sur la musique baroque de Rameau et son imaginaire colonial, trois heures d’un spectacle ponctué de chants, de guitares, d’images. Et de danse, celle notamment créée pour Les Indes Galantes, mis en scène par Clément Cogitore en 2019.
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Paradoxalement, à l’époque, sur la scène de l’Opéra de Bastille à Paris, on avait eu l’impression que les interprètes de Dembélé jouaient les simples figurant·es. À Avignon, son travail puisant au krump, au voguing et au hip-hop se révèle dans toute sa splendeur entre rage et affirmation. G.R.O.O.V.E. entend occuper les lieux du pouvoir, et l’opéra en est un d’une certaine façon, pour donner de la voix – celle de Célia Kameni est superbe d’ailleurs. Bintou Dembélé invite des danseur·euses à présenter des films, d’Ana Pi à Féroz Sahoulamide, questionnant les notions d’appropriation ou de reconnaissance, invente des circulations inédites et impose ces corps en mouvement.
Il y avait alors de quoi se réjouir du télescopage entre le passage en force de Bintou Dembélé et la tempête chorégraphique imaginée par la Belge Anne Teresa De Keersmaeker. Son Exit Above, comme revigoré par la house et le hip-hop, restera l’un des sommets du festival. De sa création à Bruxelles, dont nous rendions compte il y a peu, jusqu’à la FabricA d’Avignon, un même courant de plaisir transporte le public.
L’indicible d’une danse comme un passage vers l’âge adulte
Le grondement de la danse prenait également la forme d’un tremblement de terre, imaginaire, dans Kono atari no dokota du tandem Martine Pisani et Michikazu Matsune. On sentait l’assistance de la première, à la Fondation Lambert, peu en phase avec cette proposition comme un carnet d’esquisses ou un exercice de mémoire. Le sujet, c’est Pisani elle-même, ses années 1980, une autre histoire de la danse française. Matsune l’interroge, montre – trop peu – cette gestuelle minimaliste à l’humour diffus puis s’égare. Il restera de cette soirée, le doux sourire de Martine Pisani qui imagine désormais sa danse à travers le corps des autres.
Dans What will remain secret, du duo Auguste de Boursetty et Alex Freihet, on s’emboîte pour mieux entendre un ventre qui gronde, quelque chose de plus intérieur. L’indicible d’une danse comme un passage vers l’âge adulte. Cette proposition de “Vive le sujet ! Tentatives” a le charme évanescent d’une première fois. Iels invitent dès lors les spectateur·trices matinaux·ales à écouter la vibration de l’intime.
Festival d’Avignon (Vaucluse), jusqu’au 25 juillet
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