L’expulsion du collectif B93 en Seine-Saint-Denis fait écho à la triste actualité de la fin du mois de juin à Nanterre. Un double choc qui fait résonner l’urgence d’une approche positive de la périphérie parisienne, qui est plus que jamais appelée à ne faire qu’une avec la capitale.
La nouvelle de l’expulsion de B93 tombait le 27 juin. Depuis deux ans, le collectif – une constellation mobile de six personnes – occupait un hangar abandonné de Seine-Saint-Denis au nord-est de Paris, entre La Courneuve et Drancy plus précisément. Leur projet de tiers-lieu culturel, à la croisée de l’art, de la fête et des célébrations de la parole, avait déjà commencé à vivre par des événements nomades, dont le premier avait bénéficié en janvier dernier de l’appui de Mondes Nouveaux, le programme de soutien à la création du ministère de la Culture. Leur idée-phare, et leur projet à long terme : contrer la récupération et l’instrumentalisation exogène de la culture urbaine, en construisant une structure par et pour les habitant·es du territoire.
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Des stéréotypes brûlants
La date de l’expulsion joue d’un triste concours de circonstances. Si elle est rentrée dans l’actualité, c’est en raison de la mort de Nahel, tué par le tir d’un policier à Nanterre. Hasard malheureux certes, mais qui souligne d’autant plus la nécessité de mettre l’accent sur les politiques culturelles hors de Paris intra muros. Si la presse fait des gorges chaudes du fantasme de “la banlieue” en tant que représentation monolithique et unifiée, il semblerait bien qu’une partie de l’art contemporain et de ses institutions donne également dans le même cliché tramé de peur et de fascination.
Le geste de donner de la visibilité, ou une scène, par la représentation part certainement de bonnes intentions, il n’empêche que la question autrement plus épineuse de la construction de lieux d’exposition et structures d’accompagnement pérennes reste toujours – et plus que jamais – le nerf du problème. On se souvient en 2005, lors des émeutes qui suivirent la mort des adolescents Zyed Benna et Bouna Traoré, d’une première réflexion sur la violence symbolique de la ségrégation des banlieues – à l’époque, le MAC VAL à Vitry-sur-Seine venait d’ouvrir, se distinguant aujourd’hui toujours par un recrutement local et une audience de proximité. Mais s’il fallait en faire un tour d’horizon en 2023, quels lieux comptabiliserait-on ?
Cultiver les divergences
Avec la menace planant sur l’existence de B93, la réponse semble être avant tout un appel à la vigilance. Alors que dans les médias, les articles sont souvent illustrés d’une vue des tours Nuages à Nanterre, celles-ci ravivent également la mémoire récente d’un autre collectif artistique autogéré forcé à déménager, soit le Wonder/Zénith qui a dû quitter les lieux qu’il occupait (avec vue imprenable sur lesdites tours) en 2020. Les espaces s’amenuisent, surtout ceux à vocation pérenne. Soulignons le grand dynamisme du projet des Ateliers Médicis, lancé en 2016 à Clichy-Montfermeil en Seine-Saint-Denis, dont les activités sont orientées vers la jeune création de tous les champs artistiques, pour aider ses protagonistes à trouver un réseau, une légitimation et surtout : produire d’autres images et récits alter-hégémoniques.
Édito initialement paru dans la newsletter Art du 3 juillet. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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