Nanni Moretti, celui qu’on préfère, est de retour dans “Vers un avenir radieux”, sorti ce mercredi 28 juin dans les salles.
La proximité entre la mort de Silvio Berlusconi et la sortie du nouveau film de Nanni Moretti est sans doute une coïncidence, mais elle est réjouissante. D’abord parce qu’on retrouve dans Vers un avenir radieux, sorti mercredi 28 juin en France, le Giovanni Moretti qu’on a toujours aimé : politique, supra-moraliste exigeant (il tente d’empêcher l’un de ses jeunes confrères cinéastes de tourner une scène de violence), obsessionnel, dépressif… un peu fou, pour tout dire.
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Et puis l’on retrouve même, vilain·es fétichistes que nous sommes, nous ses fans, ses objets transitionnels préférés : la couverture dans laquelle il s’emmaillote pour régresser (ici pour regarder en boucle avec sa fille ses films préférés, de Demy ou Fellini), comme dans Sogni d’oro, en 1981, où il regardait la télévision en compagnie de sa mère dans le même accoutrement, lorsque son double de cinéma s’appelait Michele Apicella (Apicella est le nom de naissance de sa mère, mais ape signifie “abeille”). Son fétichisme pour les chaussures (comme dans Bianca, en 1983). Il ne tourne pas encore la comédie musicale sur un pâtissier trotskiste qu’il nous a promise plusieurs fois depuis Journal intime (1994), et entraperçue à la fin d’Aprile, en 1998, mais on n’en est plus très loin (il dit d’ailleurs dans quelques interviews récentes que l’envie de réaliser une comédie musicale lui est revenue), etc.
Ce Nanni-là, on l’aime parce qu’il est émouvant, drôle et de gauche, toujours de gauche. Souvent insupportable, mais de gauche. Rappelons seulement pour celles ou ceux qui l’ignoreraient, tout simplement parce que trop jeunes pour l’avoir vécu, que Moretti fut le principal opposant culturel à Silvio Berlusconi au tournant des années 1990-2000, lorsque l’homme le plus riche d’Italie devient deux fois président du conseil. Que Moretti réalisa même un film, Le Caïman (2006), dans lequel il s’attaquait directement au Cavaliere de pacotille. Et que, dès 2004, il allait régulièrement danser dans les “rondes citoyennes” autour des bâtiments publics italiens, où se réunissaient tous·tes les opposant·es à ce gouvernement ultralibéral, sexiste, vulgaire, liberticide, réactionnaire, anticulturel. Au point de devenir un emblème de cette opposition, statut qui devait être un peu lourd pour qui n’est au départ qu’un cinéaste.
Dans Journal intime, Moretti rendait un hommage à Pier Paolo Pasolini, en allant sur sa Vespa chercher et trouver sur la plage d’Ostie, pour le filmer, le petit monument en son hommage érigé à l’endroit même où le poète-cinéaste-militant fut massacré, le 1er novembre 1975.
La boucle est bouclée : Berlusconi est mort, Moretti vit toujours, avec ses poètes-fantômes. Giorgia Meloni, tu peux trembler ! È tornato Nanni!
Édito initialement paru dans la newsletter cinéma du 28 juin. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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