Après la F1, le géant du streaming s’attaque au Tour de France. Une série qui se veut immersive mais reste en surface.
Le sport étant, en soi, une série télé (ou streamée) à grande échelle, comment rivaliser avec le direct ? La question a longtemps rendu compliqués voire inutiles non seulement la plupart des fictions mais aussi les grands projets de séries documentaires, jusqu’à l’arrivée de Formula 1 : Drive to Survive, qui saute à pieds joints depuis 2019 dans le monde à haute intensité du championnat automobile le plus suivi – et le moins ecofriendly – de la planète. Tour de France : au cœur du peloton est un rejeton de ce grand succès made in Netflix, produit par la même entreprise Box to Box, en collaboration avec le propriétaire français de la course, Amaury Sports Organisation, et France Télévisions.
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Si Formula 1 : Drive to Survive a rempli son office, en offrant de nouveaux fans à ce sport par ailleurs un peu normalisé, en sera-t-il de même ici ? C’est probable, étant donné l’application mimétique de la recette, qui donne l’impression que le Tour de France, course plus que centenaire, a été inventé pour satisfaire nos regards voraces du 21e siècle.
Caméras embarquées
Visuellement et dramaturgiquement, les huit épisodes se construisent autour d’une idée à la fois efficace et parfois pauvre : l’immersion. Soit une palanquée de caméras embarquées à bord des vélos ou très près des machines sur les routes sinueuses du pays, des Alpes aux Pyrénées, mais aussi un accès “backstage” dans la vie des équipes qui participent au Tour, que ce soit à l’hôtel ou à l’intérieur des voitures suiveuses. Les directeurs sportifs comme Marc Madiot et les coureurs – de Thibaut Pinot à Jonas Vingegaard, la nouvelle flèche – deviennent les héros d’une longue pub pour cette course, il est vrai magnifique.
Les néophytes ou les simples amateur·ices curieux·euses y apprendront l’essence d’un sport qui mêle de façon inextricable l’individuel et le collectif : les stratégies sont décryptées avec précision, mettant en avant le travail d’équipe nécessaire pour bien figurer, mais aussi les dissensions internes à certaines formations, quand un coureur voudrait tenter sa chance tout seul. Quelques scènes avec le prodige Wout van Aert en attestent. On recense aussi les meilleures manières de conserver son énergie dans ce sport si difficile. Le vocabulaire du peloton est détaillé, avec sa hiérarchie aristocratique, des leaders à la lutte pour le podium aux… domestiques, désignés porteurs d’eau et qui courent face au vent pour protéger leur star.
Dopage ?
Un mot n’est pas employé, si ce n’est pour faire allusion à un passé peu glorieux – les années Lance Armstrong – : le dopage. On ne regarde pas Tour de France : au cœur du peloton pour une analyse critique, c’est certain, et la sensation domine parfois d’assister à un succédané de jeu vidéo, sans le plaisir de jouer. Les commentaires de l’excellent Alexandre Pasteur, probablement réenregistrés, contribuent à cette impression un peu artificielle.
Reste le rythme, palpitant, et la force du réel, malgré tout, tant la course est abordée du plus strict point de vue de coureurs et d’équipes qui semblent jouer leur vie, que ce soit pour une victoire de prestige ou pour terminer sur les Champs Élysées avec le maillot jaune. Certains épisodes (le 2e et le 6e notamment) font mouche, en réussissant à tirer du grand cirque spectaculaire de la série un fil humain imparable.
On se serait par contre bien passé de la mise en scène plutôt bancale du danger. La chute est traitée ici comme un fait de course dont il faudrait toujours signaler l’imminence, avec une certaine complaisance pour l’observation de la douleur des coureurs. Le sujet existe, il est même assez profond, niché au cœur de ce sport. Mais la série ne fait que l’effleurer. Une deuxième saison est attendue, actuellement en tournage toujours sans l’une des équipes principales, celle de l’ancien vainqueur Tadej Pogacar, qui exige un droit de regard sur le montage. L’occasion de faire briller d’autres figures, parfois anonymes, d’une course dont la légende prend subitement un sacré coup de jeune.
Tour de France : au cœur du peloton. Sur Netflix.
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