Le premier traite du réchauffement climatique, le second adapte Boris Vian : deux nouveautés françaises qui, malgré des partis pris bien différents, vont vous permettre de vivre des expériences inédites.
“Ça fait longtemps que je n’ai pas été enfant.” Il suffit parfois d’une phrase qui n’a l’air de rien pour ouvrir un gouffre et nous emporter très loin. Dans End of Lines, le dernier jeu d’aventure de l’épatant studio bordelais Nova-box (Across the Grooves, Along the Edge, Seers Isle), cette phrase figure dans l’un des flashbacks. Ou, plus exactement, dans l’un de ces moments un peu flottants où le passé semble se superposer au présent pour une tentative de dialogue à travers le temps – entre supplique, reproches et expression de regrets ardents.
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Dans le jeu vidéo actuel, les mondes postapocalyptiques sont omniprésents mais, loin de l’épidémie zombie, End of Lines nous parle d’une catastrophe bien réelle : le réchauffement climatique, qui a fait des personnages (Nora, Camille, le petit Sam, Rafik…) des nomades en quête d’un lieu habitable. Le ciel est rouge, la nourriture se raréfie, le découragement menace.
La lutte éternelle contre le cours de l’histoire et tous les affreux
Relevant comme les précédents titres de Nova-box du visual novel, End of Lines est d’abord un assemblage de dessins (réalisés à la main) et de textes dont le défilement s’interrompt régulièrement pour nous proposer des choix. Vaut-il mieux partir en expédition ou se reposer à l’abri ? Retenir ce jeune couple ou renoncer à sa compagnie ? Faire confiance au leader d’une communauté apparemment paisible ou garder ses distances avec lui ?
De nos décisions dépendra l’avenir de notre troupe, mais la puissance du jeu tient précisément à la manière dont son récit nous résiste : ses embranchements sont rarement évidents et, une fois parvenu au terme de l’aventure, l’envie sera forte de tout recommencer pour essayer de faire mieux. Il ne s’agit pas juste d’un puzzle cérébral mais, plus profondément, d’un nouvel épisode magistral de la lutte éternelle entre le cours de l’histoire (globale, semblant écrite d’avance et, ici, tragique) et l’espoir, individuel ou collectif, de la faire sortir de ses rails. Qu’End of Lines, émouvant jeu d’impressions, sublime par son sens du détail.
Un récit qui passe par les gestes autant que par les dialogues et les pensées
L’autre beau récit interactif made in France du moment, To Hell with the Ugly, se révèle plus facétieux mais pas moins marquant, adapté d’Et on tuera tous les affreux de Vernon Sullivan (alias Boris Vian). Créée par le studio La Poule Noire, basé à Angoulême, cette aventure en pointer-cliquer (pensez à Monkey Island) avec des morceaux d’autres genres dedans (enquête, infiltration, combat au tour par tour…) nous plonge dans une sombre affaire de disparitions dans le Los Angeles jazzy des années 1950, mais n’en parvient pas moins à rendre son propos remarquablement actuel (féminisme, culte des apparences…).
Ici, raconter, c’est d’abord interagir avec les éléments de cet univers illuminé par une remarquable direction artistique. Et nous voilà bientôt occupé·es à scruter, saisir, classer (des coupures de presse, des photos), trouver, donner… Jeu d’activités, To Hell with the Ugly doit sa force au fait que son récit passe par les gestes autant que par les dialogues et les pensées. Avec End of Lines, il constitue un autre excellent conseil “lecture” pour l’été.
End of Lines (Nova-box), sur Switch, Mac, Linux et Windows, de 14 à 17 €. To Hell with the Ugly (La Poule Noire/Arte),sur Switch, PS4/PS5, Xbox, Mac, Linux et Windows, environ 20 €.
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