Avec un double album aux intentions divergentes, le Londonien épaissit encore un peu plus son mystère.
Comme son compatriote Burial, l’Anglais Zomby est parvenu à conserver depuis 2007 un secret total quant à son identité et son visage. Mais contrairement à Burial la tombe, Zomby le feu follet a choisi Twitter comme terrain de joute et comme exutoire souvent hyperviolent (et drôle) pour apparaître en hooligan isolé d’une scène électronique peu encline habituellement à ce genre de frasques.
Emancipé des cloisons du dubstep, trop étroites pour son ego, il est devenu une sorte de cavalier de l’apocalypse dont la mémoire pachydermique conserve tous les combats menés dans les clubs ou à ciel ouvert depuis l’avènement des raves. Where Were U in ’92?, questionnait explicitement son premier album, quand il y a deux ans Dedication prolongeait avec beaucoup d’habileté ce dialogue entre passé et futur d’une musique souvent déboussolée sans parvenir à lui donner un sens.
Avec With Love, Zomby s’est décidé à flécher un peu plus sa démarche en séparant son album en deux volets dantesques (trente-trois morceaux), l’un comme un résumé des épisodes précédents en forme de carambolage, l’autre plus personnel et mélancolique. Allant dans la première partie jusqu’à convoquer des fantômes de la jungle, de la house et de l’electronica, le tout passé dans une centrifugeuse exubérante, il semble se libérer une dernière fois d’un vocabulaire dont l’amoncellement, bien qu’amusant, ne constitue pas toujours un langage.
En revanche, dans un second temps plus cérémonial, sans hystérie mais avec beaucoup d’élégance, Zomby prouve qu’il est autre chose qu’un dynamiteur doué en s’imposant d’utiliser peu de moyens et d’effets mais d’en soigner plus scrupuleusement l’ordonnance. Avec ses thèmes répétitifs, déclinés en abyme, ses rythmiques toujours concassées mais plus engourdies, ce verso plus sombre de With Love tient plus du panoramique que du kaléidoscope et se révèle autrement plus dense et profond que son recto.
Entre écrans de fumée (Digital Smoke, White Smoke) et jeux de transparences/opacités trompeuses (Glass Ocean, Reflection in a Black Glass), il ne dévoile pas pour autant l’issue de son impressionnant labyrinthe.