La diffusion de The Walking Dead a repris cette nuit, dans un déluge de violence et de sang mettant fin à un suspens insoutenable. Un épisode anxiogène et sidérant qui, malgré des faiblesses de construction, fait entrer le show dans une nouvelle ère.
(Cet article contient une horde de spoilers)
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Cette nuit, la galaxie des fans de The Walking Dead retenait son souffle à l’approche du premier épisode de la septième saison du show zombiesque. Une excitation un peu morbide, attisée par la soif de savoir enfin lequel des personnages avait péri sous les coups de Negan. En effet, la saison 6 s’était achevée sur un terrible cliffhanger, lors duquel nos héros, pris au piège par le groupe des Sauveurs, rencontraient enfin leur charismatique et terrifiant leader, incarné à l’écran par Jeffrey Dean Morgan.
Après avoir fait s’agenouiller chacun des membres du groupe (y compris un Daryl blessé et une Maggie en bien mauvais état), le psychopathe s’était lancé dans un speech menaçant aux airs de show théâtral, ménageant son suspense et ses effets, comiques comme sadiques. Bien décidé à tuer l’un de ses ennemis pour l’exemple, il avait désigné la victime de sa batte enroulée de fils barbelés « Lucille » au hasard d’une ritournelle enfantine. « Am… Stram… Gram… » Les coups avaient plu sur le crâne du/de la malheureux/se élu(e), filmés depuis son point de vue, avant qu’un écran noir aussi funeste que frustrant n’achève la séquence.
Jouer avec les nerfs du spectateur
Depuis un an, les pronostics et spéculations sur l’identité de la victime enflammaient le net, attisés par chaque déclaration de l’un des artisans ou acteurs du show AMC. Chacun y allait de son analyse, s’improvisant enquêteur du web ou légiste des images, décortiquant chaque détail des différents éléments de promotion distillés au compte-goutte. Si la tension était palpable à l’approche de la reprise de la série, avoir la saveur particulière de sa première diffusion a pris pour le fan français la forme d’un véritable parcours du combattant. Alors que les liens de streaming de la chaîne s’échangeaient comme des petits pains, certains perdaient leur sang froid, prenant à cœur les enjeux du récit comme s’ils concernaient l’un de leurs proches.
La torture ne s’est pourtant pas arrêtée là, la construction de l’épisode ressemblant à un savant jeu de suspense et de manipulation. Nous retrouvons un Rick abasourdi, le côté droit du visage éclaboussé d’une gerbe de sang, quelques instants après le meurtre. Le cadavre est quant à lui savamment gardé hors champ, tel un McGuffin macabre autour duquel pivotera la première partie de l’épisode. « Je vais te tuer. Pas aujourd’hui, pas demain, mais je vais te tuer », murmure Rick à Negan qui se penche vers lui.
Va-t-on enfin découvrir l’identité de la… Ah non, une page de pub s’ouvre. Eh oui, aux Etats-Unis, il y a à peu près autant de temps pour les commercials que pour l’épisode, qui est interrompu toutes les cinq minutes par des images de nachos dégoulinant de fromage fondu ou de triple cheese bacon au gabarit pornographique. Quand l’épisode reprend, il retarde encore le moment fatidique en s’essayant à des flashbacks un peu kitsch destinés à faire monter la tension en même temps que l’émotion, lors desquels on (re)voit certains personnages (peut-être ceux qui viennent de nous quitter ?). Le générique et une autre page de pubs interrompent encore sournoisement les hostilités avant que le terrible secret ne soit enfin dévoilé via un nouveau flashback.
Double ration de sang
C’est sur Abraham que Negan a jeté son dévolu morbide. Après avoir lancé aux autres membres du groupe un « Vous avez le droit de pleurer. Oh oui, vous allez pleurer », le nouveau grand méchant lève sa batte et entreprend de fracasser le crâne de l’ancien militaire, qui parviendra tout de même à lui articuler un « suck my nuts » bravache en guise d’ultime provocation. Si la mort du colosse apparu dans la saison 4 aux côtés de Rosita et Eugène est choquante, elle n’est pas encore traumatisante : le personnage, s’il est apprécié des fans, n’a jamais été central, et on peut considérer que son arc narratif avait été bouclé. De plus, le meurtre est cadré de profil dans un plan relativement large, ce qui en atténue l’impact. Au fond, ce choix narratif constitue presque un soulagement…
Mais alors que l’on reprend notre souffle, Negan a l’idée perverse de pointer sa batte pleine de sang sur Rosita, ce qui fait craquer Daryl. Le motard, malgré sa blessure, se jette alors sur le chef des Sauveurs, qui décide d’exécuter un second prisonnier en réponse. Ce sera Glenn, l’un des personnages principaux du show, apparu dans la première saison et qui avait réussi jusqu’ici à tromper la mort. La scène est cette fois filmée de face, et l’épisode prend un tournant vraiment écœurant alors qu’on voit le visage du jeune homme déchiqueté, l’œil presque éjecté de son orbite, en gros plan face caméra. Après avoir articulé quelques mots à Maggie, Glenn s’effondre, la cervelle en bouillie, ses doigts animés d’un dernier spasme réflexe.
La fin d’une ère
La sidération est totale. Pourtant, la mort de Glenn n’est pas vraiment une surprise si l’on se réfère au comic dont est adapté la série, qui en offre pour cette scène une adaptation assez littérale, et à un leak de l’intrigue qui se révèle juste. Seulement, ce double meurtre, par son cynisme ainsi que sa frontalité extrême, marque un palier jusqu’alors jamais atteint dans la barbarie des images présentées par le show, et laissent pantois le spectateur chancelant qui se demande ce qui le pousse à regarder de telles images.
Si le chagrin est réel face à la disparition de personnages aimés, il se double d’un goût de souffre, et d’un questionnement concernant la justification et l’intérêt d’une telle violence, certes inédite. Tout en explorant toujours plus en avant les libertés narratives et formelles offertes par le format télévisuel, la représentation macabre offerte au spectateur se charge d’une violence à la contemporanéité anxiogène, en évoquant par exemple les snuff movies (vidéos réelles) des exécutions d’otages agenouillés par Boko Haram ou Daech notamment.
Le reste de l’épisode, rondement mené mais moins mémorable, marque la prise de pouvoir psychologique de Negan sur un Rick désormais brisé, et par extension sur son groupe, entre menaces et humiliations. On alterne ainsi entre entre explications de l’ordre nouveau (« Tu es à mes ordres. Tu me fournis. Tu m’appartiens. ») et intimidations (Negan écrase le crâne d’un rôdeur en glissant une référence à Glenn, ordonne à Rick de trancher la main de son fils pour le tester, et le jette au milieu d’un groupe de zombies dans la brume pour qu’il récupère sa hache. L’ancien shérif, regard éteint et corps voûté, semble définitivement dompté. A la fin de l’épisode, une scène fantasmée nous montre l’ensemble du groupe attablé pour un déjeuner, avec Abraham, Glenn et son enfant en bout de table, comme le bref éclat d’un bonheur qui jamais n’adviendra.
Rien ne sera plus comme avant dans le monde de The Walking Dead, dans lequel on continuera à se plonger avec avidité tout en se demandant ce qui nous fascine tant dans cette tranche d’obscène aussi dérangeante que stimulante.
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