Indiana Jones est de retour, et c’est comme si le temps n’avait pas eu d’emprise sur le corps du héros. Une prouesse technique (le De-aging) qui pose question.
Relique… Le mot est prononcé dans les premières séquences d’Indiana Jones et le Cadran de la destinée. Il qualifie tous ces objets archéologiques que les nazis ont pillés et qu’ils rassemblent dans un train pour sauver leur butin de la débâcle militaire en cours. Dans la langue courante, une relique est un objet témoignant du passé auquel le temps a accordé une valeur muséale. Étymologiquement, la relique est un objet sacré généralement lié à la vie du Christ.
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La saga d’Indiana Jones a multiplié les reliques, plus ou moins liées à la saga biblique, ou plus ou moins profanes. La première d’entre elles fut, dans Les Aventuriers de l’arche perdue, la fameuse arche d’alliance contenant les tables de la loi et dont la légende certifie qu’elle pouvait mener n’importe quelle armée à la victoire militaire. La dernière relique en date, c’est le cadran de la destinée inventé par Archimède, ce mécanisme à engrenages complexe qui selon certaines fables pérennes permettraient à celui qui le maîtrise de voyager dans le temps.
De-aging
Le plus sidérant des voyages dans le temps, c’est celui qu’accomplit la longue séquence liminaire d’Indiana Jones et le Cadran de la destinée. L’intrigue débute dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, soit à peine un peu plus tard que Les Aventuriers de l’arche perdue. C’est donc le même Indiana Jones que dans le premier film de la saga qu’on s’attend à découvrir, en se demandant avec perplexité dans quel état on va retrouver notre héros, puisque plus de quarante ans se sont écoulés depuis le tournage du film de Steven Spielberg. Très vite, Indy apparaît et la fidélité quasi parfaite entre l’apparence d’Harrison Ford dans ce nouvel épisode et celle du tout premier est proprement inouïe. Assurément, les techniques de de-aging ont franchi un cap en matière de perfection mimétique, reléguant à la préhistoire tout ce qu’on avait vu en la matière jusque-là. Harrison Ford a 80 ans mais Indiana Jones toujours 40. Le masque numérique qui recouvre le visage du comédien est presque imperceptible. La mobilité de son visage, la véracité de ses expressions de jeune homme sont intactes. Et les gros plans où soudain le visage du héros s’éclaire d’un large sourire font l’effet d’un petit miracle. Bien sûr, le corps bondissant n’est plus celui de l’acteur mais la greffe de son visage est indécelable. C’est peut-être dans la voix que subsiste encore un peu de trouble, quelques traces du travail opéré par le temps. Mais cet embaumement numérique parvient au prodige de revitaliser ce qu’il embaume. La momie est rendue à la vie et Harrison Ford à la jeunesse éternelle.
Harrison Ford, immarcescible
Finalement, la saga Indiana Jones a fini par exaucer les rêves les plus fous après lesquels courent ses principaux protagonistes – s’affranchir de la finitude humaine, percer le secret du temps, atteindre par la magie à une forme d’omnipotence. Dans la fiction, tout le monde se dispute ce cadran d’Archimède qui permettrait de conjurer l’écoulement irréversible du temps. Dans la matière du film, les effets numériques accomplissent le projet d’Archimède, maîtrisent parfaitement les mécanismes secrets du cadran de la destinée. Et plus encore que ce vieux cadran antique, la relique sacrée du film est le corps d’Harrison Ford à son apogée, restauré et rendu immarcescible.
Mais comme dans la plupart des films de la série, cette conquête fait peur. Nul ne sait quelles forces incontrôlables libère l’exhumation de trésors du passé. De l’arche de l’alliance descellée s’échappaient (dans le premier film de la série) des esprits frappeurs qui se retournaient contre les pilleurs de sépulture qui les avaient réveillés. Si les retrouvailles avec un Indiana Jones quadragénaire enchantent, la perspective d’un cinéma qui ne devrait plus rien au métabolisme humain, où désormais une Marilyn Monroe nubile pourrait donner la réplique à Robert de Niro à 50 ans, où les pouvoirs de la figuration numérique ne connaîtraient plus aucun frein biologique, fait un peu frissonner. Comme une boîte de Pandore dont on ne sait jusqu’où les sortilèges peuvent mener.
Indiana Jones et le Cadran de la destinée en salle le 28 juin
Édito initialement paru dans la newsletter Cinéma du 21 juin. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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