Les archives du musicien américain nous offrent ce “Picture of Bunny Rabbit” à la beauté fragile, nouveau disque posthume centré sur son instrument fétiche : le violoncelle.
Mort et toujours inclassable. Pionnier disco et electro, compositeur d’indie rock, de country, de new wave et de musique contemporaine, Arthur Russell, infatigable expérimentateur, a su réussir tous les mélanges avec élégance au cours de sa trop courte vie. Point d’orgue de sa carrière, la sortie de World of Echo en 1986, son second album solo, salué par la critique autant qu’échec commercial.
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Peu importe, le jeune homme a déjà appris à cacher les blessures de l’insuccès et de l’incompréhension derrière les traits durs de son visage grêlé, mais le destin lui réserve un dernier tour tragique. En cette même année 1986, Russell est diagnostiqué porteur du VIH. Il décédera six ans plus tard, à 40 ans, en laissant derrière lui plus d’un millier de bandes d’enregistrement. Et une légende qui ne cesse de s’écrire.
La pop comme terrain d’expérimentations
Picture of Bunny Rabbit (titre dédié à l’animal de compagnie d’un ami d’Arthur Russell) en dévoile une infime partie, aussi courte que somptueuse. Au centre de ces neuf performances inédites compilées à partir d’archives musicales de la période World of Echo : le violoncelle. L’instrument fétiche.
On y retrouve le son typique du musicien à l’époque : la voix errante entre les fondations de morceaux en perpétuelle construction, le violoncelle poussé jusqu’à la dissonance dans un ensemble minimaliste et poétique qui doit autant à Terry Riley, à l’electro d’avant-garde qu’aux chants primitifs. La pop comme terrain d’expérimentations au même titre que la musique dite savante, comme il l’a toujours défendu.
Alternance de silences et de tensions, cette musique reste belle comme un secret d’initié·es
Cordes saturées, jeux de basses et d’aigus, claviers minimalistes à deux doigts de l’essoufflement et chant élégiaque issu du fond des âges s’articulent au gré des envies du musicien. Sur cette poignée de morceaux à la beauté fragile, les six minutes célestes d’In the Light of a Miracle nous rappellent le génie discret de l’Américain. Alternance de silences et de tensions, cette musique, à la fois très ancienne et moderne, reste belle comme un secret d’initié·es.
Elle fait étonnamment le lien avec la jeunesse du musicien et l’année de ses 22 ans où, sans le sou, il quitte San Francisco pour rejoindre New York et l’avant-garde créative de l’East Village – cette même année où il deviendra voisin de palier d’Allen Ginsberg, accompagnant les textes du poète au violoncelle. Acte de naissance d’une musique primordiale et unique, branchée droit sur le cœur et les tripes.
Picture of Bunny Rabbit (Rough Trade Records/Wagram). Sortie le 23 juin.
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