Un mois avant la sortie du neuvième album, “The Ballad of Darren”, du célèbre quatuor londonien, retour critique et subjectif sur leur discographie classée en huit volumes.
1. Think Tank (2003)
Chef-d’œuvre absolu et sommet indépassable de la discographie blurienne, ce disque est à l’image de son single phare, Out of Time : intemporel. Illustré par la fameuse pochette de Banksy, ce septième album, marqué par le départ du guitariste historique Graham Coxon, convoque toutes les obsessions musicales de Damon Albarn, de la britpop (Crazybeat, Good Song) à la musique africaine (Ambulance, Out of Time) – Mali Music est paru l’année précédente. “J’ai ramené à la maison tout ce que j’avais appris dans mes voyages en solitaire, confiait alors le leader de Blur et Gorillaz dans Les Inrocks. On ne devient jamais musicien : ce but est inaccessible, mais le voyage est passionnant.” Un voyage dont on n’est toujours pas revenu depuis vingt ans. FV
2. Blur (1997)
Graham Coxon parlait de Blur comme d’un album de transition. “Une partie du groupe veut la stabilité, l’autre l’aventure, jouer une musique dont nous ne sommes a priori pas capables. Sur Blur, c’est moi qui essayais d’entraîner les autres”, confiait-il aux Inrocks en 1999, à la sortie de 13, l’album d’après. Titillé par le son lo-fi du rock US à la sauce slacker, Blur s’émancipe ainsi du carcan un peu trop étroit de la pastille britpop après la ridicule bataille des charts de l’été 1995 opposant la bande à Damon à celle de Liam Gallagher, Oasis. Quitte à la jouer college radio post-gunge à fond les ballons (l’inénarrable Song 2). Si la tradition pop British s’entend ci et là, (Beetlebum ou Look Inside America, sorte de cousine éloignée de End of a Century), les envies d’ailleurs – inspirées en partie par la rupture Radiohead (Death of A Party) – se font entendre, préparant le terrain pour la suite dans un écrin brouillon mais jouissif. FM
3. Parklife (1994)
Les Kinks version new wave. Si en 1993, l’envie de partir vivre en Angleterre ne vous avait pas effleuré l’esprit, 1994 et la sortie de Parklife, troisième album de Blur, se chargera de vous donner des envie des sauter dans l’Eurostar. Ouverture tonitruante (Girls & Boys), ballade inoubliable (This Is a Low) ou tube pour crieur public (la légendaire Parklife avec le comédien Phil Daniels, croisé notamment au générique de Quadrophenia, film générationnel sorti en 1979 mettant en scène l’opposition entre Mods et rockeurs façon West Side Story), Parklife est un sommet de britannicité dans une époque lassée de la vague grunge. FM
4. 13 (1999)
Lassé du format pop qui a fait les beaux jours de Blur, c’est un groupe sur les rotules qui entre en studio pour mettre en boîte le sixième album de la formation pilotée par Damon Albarn et Graham Coxon. “Pour moi, jouer dans Blur, pendant les tournées, était devenu un boulot, un rôle. La journée, dans le bus, je passais des cassettes de groupes hardcore inconnus de San Diego et le soir, je jouais Girls & Boys sur scène… Le décalage était trop grand. Je trouvais les pop songs répugnantes, elles me donnaient la nausée”, confiait encore ce dernier. Le besoin de transfiguration se fait sentir, et c’est par l’entremise du producteur de musique électronique William Orbit que Blur va se surpasser. Hormis Coffee & TV, pas de tube ici. Mais des atmosphères, des expérimentations et des chemins de traverse empruntés. Et ce sommet de spleen décharné, No Distance Left to Run, en forme de requiem. FM
5. The Great Escape (1995)
L’échappée belle de Blur en pleine vague britpop et rivalité exacerbée (doux pléonasme) avec les Mancuniens d’Oasis. Ambitieux (The Universal), ample (Best Days) et irrésistible (Country House), ce cinquième album clôt aussi la formidable trilogie avec le producteur Stephen Street (The Smiths, Suede, Babyshambles). Le songwriting de Damon Albarn y fait des monts et merveilles, avec une section de cordes et cuivres en renfort étincelant. Point d’orgue du disque dans sa version française, la sublime conclusion To The End (La Comédie) avec l’icône Françoise Hardy. FV
6. Modern Life Is Rubbish (1993)
Le premier véritable album consistant de Blur, qui fête déjà son trentième anniversaire et annonce d’entrée (For Tomorrow) un avenir discographique radieux, assez insoupçonnable au regard des débuts poussifs (cf. Leisure). Derrière le titre affirmatif Modern Life Is Rubbish, la bande de Damon Albarn à la voix gouailleuse joue volontiers la carte anglocentriste, assumant l’héritage kinksien ou, plus près de nous, de XTC. FV
7. The Magic Whip (2015)
Douze ans après Think Tank (2003), c’est le coup de tonnerre : Blur est de retour. Et, cerise sur le gâteau, Graham Coxon est de la partie, lui qui avait largué les amarres et laissé le groupe en formation trio sur l’album précédent. The Magic Whip est annoncé en grande pompe, mais ne sera pas le disque du grand chambardement que l’on espérait. Quelques morceaux de bravoure dans la lignée de ce que Blur sait faire de mieux (Lonesome Street, My Terracotta Heart, Go Out) et d’autres de très bonne facture, mais qui ne feront pas oublier la trop longue absence de la bande. À noter, le retour de Stephen Street aux manettes et la sortie l’année d’avant de Everyday Robots (2014), le premier solo de Damon Albarn (dont certains motifs se retrouvent sur The Magic Whip). FM
8. Leisure (1991)
Le premier et – de très loin – dernier album de Blur au palmarès d’une discographie par ailleurs exemplaire et plutôt chiche de huit disques en plus de trois décennies. Annoncé par le single trompeur She’s So High, Leisure patauge en eaux troubles baggy sound, comme si le quatuor londonien n’avait pas encore appris à nager (contrairement à ce que prétend la pochette) – ou, du moins, à tenir la distance de douze morceaux, dont l’imparable There’s No Other Way sauve facilement la mise. FV