Solennel et sublime, un grand album de reprises totalement détournées.
La pochette, christique, s’accommode parfaitement du recueillement, de la ferveur de cette soul pâle, délavée, impassible. En quelques albums qui avaient tous écouté Bowie, Scott Walker ou la pop baroque de Cardinal, cet Australien de Brooklyn est devenu le crooner attitré de quelques soirées affaissées, quand même Low ou Spain font trop de bruit.
On s’est ainsi dangereusement entiché de sa voix, à la fois craintive et autoritaire, dominant de très haut des vapeurs de piano, des chuchotements de guitare, des silences et des creux. Cette voix est aujourd’hui tellement maîtresse, tellement puissante qu’elle annexe sans résistance les chansons des autres, unifiant dans la retenue un répertoire pourtant ici déployé de Joy Division aux Bee Gees, de Radiohead à Whitney Houston, de Jesus And The Mary Chain à un trésor oublié des Motels…
Son groupe, d’une distinction folle, évoque le Johnny Cash des American Recordings : il se plie, même quand Neil Hannon vient pousser la chansonnette, à cet exercice remarquable d’épure. Car comme le titre l’indique, Scott Matthew a désappris ces chansons, n’en a retenu parfois qu’un filet, qu’un tremblement, qu’un souvenir fugace sur lequel il bâtit un empire.