Quatorze ans après sa diffusion, le mythique Unplugged in New York de Nirvana sort enfin en DVD. Ou comment l’une des pages les plus sensibles de la culture rock s’est écrite en direct sur MTV.
Le concert s’ouvre avec About a Girl, une chanson rare qui donne immédiatement la tonalité de la performance. Pas question de jouer les tubes, de faire le singe. Ce soir-là, Kurt Cobain a décidé de montrer qu’en plus d’être le leader du groupe punk-rock le plus important de l’époque, il est capable d’écrire des chansons à la beauté nue. Et d’être en cela l’égal de Daniel Johnston, Michael Stipe ou Neil Young, ses références absolues. D’ailleurs ce qui frappe, c’est à quel point Cobain éclabousse cette soirée new-yorkaise. Alors que Nirvana fonctionne comme une machine compacte en formation électrique, Cobain va ce soir-là prendre, pour un soir au moins, l’ascendant sur ses collègues. L’air triste et renfrogné, il flotte dans une espèce de semi-apesanteur. Sa voix est d’un détachement rare, un peu moins nasale qu’à l’habitude. Mais elle prend curieusement toute la place. Elle atteint des sommets sur les reprises qui vont être jouées ce soir-là. D’abord sur celle des Vaselines, fantastique groupe underground écossais, dont Nirvana magnifie le Jesus Doesn’t Want Me for a Sunbeam. Puis c’est David Bowie que Cobain prend en “un contre un”, pour une version inoubliable de The Man Who Sold the World, qui contient en germe tout le désarroi que Cobain trimballe depuis l’immense succès commercial de Smells Like Teen Spirit. On notera aussi trois reprises enchaînées des Meat Puppets, invités à venir jouer sur scène (Plateau, Oh Me, Lake of Fire), et surtout une version complètement bouleversante de Where Did You Sleep Last Night, vieux standard de Leadbelly, que Cobain joue ce soir-là implicitement pour une Courtney Love de plus en plus absente.
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Le reste du show : des morceaux par forcément glamour des trois albums studio du groupe, des faces B, le tout joué avec une facilité et une désinvolture qui donnent un cachet fou à ces chansons pas toujours évidentes, trouvant à New York une lumière inattendue. Ceux qui ne connaissaient que la furie du groupe de Seattle sont alors frappés par la précision et la profondeur de l’écriture de Cobain. C’est cette démonstration que l’on reverra aujourd’hui en DVD, quatorze ans plus tard, avec la certitude que la page la plus émouvante de la contre-culture rock s’est écrite un soir de novembre, et paradoxalement en direct sur MTV.
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