Alors que sort le tome 3 de L’Arabe du futur de Riad Sattouf, BD au succès planétaire, c’est à son complice, l’acteur Vincent Lacoste, que nous avons demandé de mener l’entretien – défi relevé haut la main.
C’était en mai 2009, pour notre numéro 706. Riad Sattouf tenait sous l’un de ses bras un jeune type encore mineur nommé Vincent Lacoste. Déjà repéré par notre service BD pour un Ma circoncision qui – c’est paradoxal – nous avait fait pisser de rire, Riad Sattouf réalisait un premier film (Les Beaux Gosses) inspiré de l’une de ses œuvres phare, Retour au collège.
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Le héros – mais est-ce bien le mot ? – était donc ce jeune Lacoste qui, il l’ignorait alors, allait faire dans le futur les quatre cents coups avec son nouvel ami Riad et devenir pour lui une sorte d’Antoine Doinel équipé d’un smartphone. Les deux se sont retrouvés en 2014, dans Jacky au royaume des filles (un film incompris par la critique), mais n’ont surtout jamais cessé depuis 2009 de vivre non loin l’un de l’autre.
Entre-temps, Sattouf est devenu le maître de la BD française. Lacoste, au fil des films, s’est, lui, imposé comme un jeune premier au capital sympathie incroyable, capable de donner la réplique (et de rouler des pelles) à Charlotte Gainsbourg, Léa Seydoux ou Virginie Efira, avec qui il a récemment côtoyé le sommet du box-office, grâce à l’excellent Victoria de Justine Triet.
Il apparaisait donc naturel, à la sortie du volume 3 de L’Arabe du futur – qui, à peine paru, vient d’atteindre la première place des ventes –, de demander à Lacoste d’aller cuisiner Sattouf, avec curiosité et bienveillance. Allez Vincent, première question.
Vincent Lacoste – J’ai noté des questions mais elles sont dans le désordre… Je te préviens, y aura aucun sens, Riad !
Riad Sattouf – T’inquiète ! De toute façon, au cas où, j’ai prévu un long monologue où je m’autocongratule (rires).
Tu as commencé L’Arabe du futur avec la volonté de raconter des événements précis ou la plupart te sont revenus en mémoire en te mettant au travail ?
L’envie de raconter mon enfance me travaillait depuis pas mal d’années mais j’ai longtemps cherché la forme pour le faire. En tout cas, en commençant, je me suis rendu compte que ma mémoire de ces années-là demeurait très vivace. Beaucoup plus que celle de la semaine dernière par exemple ! On tire un fil et plein d’autres suivent… Par exemple, dans L’Arabe 3, en revisualisant le chemin qui menait au vieux terminal téléphonique, je me suis souvenu qu’il y avait très peu de verre dans les ordures qui parsemaient le chemin. Surtout du plastique et du carton… Des détails comme ça ressurgissent en périphérie d’autres souvenirs…
Est-ce que tu te souviens non seulement des faits, mais aussi des sentiments que tu éprouvais, de ta façon de percevoir le monde en tant qu’enfant ?
J’ai l’impression que j’ai toujours préservé ça. Je raconte les choses en dessin depuis que je suis enfant et il y a eu une continuité dans l’émotion que ça me procure. Du coup, m’exprimer par la BD est un prolongement du jeu des enfants, c’est comme s’inventer une histoire avec des Big Jim. De toute façon, tout le monde a des souvenirs de son enfance, mais souvent les gens se disent que ce n’est pas intéressant. Moi ça me passionne d’écouter les gens me parler de leur enfance. Dans Les Cahiers d’Esther, je raconte le quotidien très banal d’une vraie petite fille : elle n’a pas de problème familiaux, elle travaille bien à l’école, elle n’a pas grandi en Syrie… Et pourtant la retranscription de sa façon de voir le monde me passionne toujours ! Même lorsqu’elle parle de son amour pour Maître Gims ou Kendji Girac !
Si t’étais enfant aujourd’hui, tu crois que t’écouterais Maître Gims et Kendji Girac ?
(Rires) Ben, je ne pense pas ! Non pas que j’aurais forcément de meilleurs goûts, mais une des choses qui a défini mes goûts en matière de musique dans mon enfance était que je me sentais repoussé par les chanteurs frimeurs. Parce que je me disais que si moi je me permettais d’être frimeur comme eux, en singeant leur coolitude, je ne serais jamais accepté. Je ne supportais pas Bono de U2 par exemple, avec ses lunettes, ni les Red Hot Chili Peppers toujours torse nu dans le désert en tirant la langue dans tous les sens comme s’ils se savaient tellement excellents et “délires” !
L’extraversion “délire” était un truc qui me mettait très mal à l’aise (rires). C’est pour ça que j’aimais bien le hard-rock. C’est une musique qui n’aurait pas dû exister, une branche musicale qui a poussé les excès contre toute logique et s’est perdue dans la nuit. Tu vois les mecs faire leur truc grand-guignol et tu te dis “Wow ! Comment on a pu en arriver là ?” C’est très émouvant.
T’aimes pas la frime masculine mais pourtant, dans ta BD, tu révèles que tu as adoré Conan le Barbare…
Oh, je ne dirais pas que Conan est un frimeur ! La violence sèche du film de Milius me saisissait. Les premières trente minutes sont presque muettes, on y voit juste des sortes d’hommes préhistoriques qui se font du mal mutuellement. Et le corps jeune d’Arnold Schwarzenegger me fascine encore aujourd’hui. Je connais sa musculature par cœur. Je vois exactement comment sont faits ses pectoraux, c’est comme des vallées qui descendent et qui remontent… Je pourrais le modéliser avec de la terre glaise (rires). Et puis sa mâchoire un peu prognathe me rappelait des personnes de ma famille.
Outre ta passion pour Conan, tu as aussi inventé le très viril Pascal Brutal. Pourquoi tu n’as jamais essayé de devenir un mâle alpha par le corps, en te lançant à fond dans la muscu ?
Je rêvais aussi d’être illustrateur d’heroic fantasy et je ne le suis pas devenu. Interroger le désir de vouloir devenir un gros baraqué m’intéresse plus, me fait plus marrer, que de le devenir.
Tu crois que t’aurais perdu quelque chose si t’étais devenu musclé ? (Rires) Non mais parce que ta créativité puise aussi dans une forme de frustration ?
Il y a des illustrateurs que j’aime beaucoup comme Simon Bisley ou Richard Corben qui ont fait de la muscu. Ils se prenaient eux-mêmes en photo pour servir de modèles à leurs propres dessins. Ça me fascinait complètement parce que moi, quand je vois une photo de moi, je suis horrifié ! (rires) Quant à la frustration, elle a été moteur dans le sens où je n’étais pas devenu tout à fait ce que j’aurais rêvé d’être, il fallait que je répare ça…
Quand j’étais enfant, il y a une période où j’étais très beau. J’étais blond, je ressemblais à un elfe. Et puis, à l’adolescence, je suis devenu un troll, mais un troll qui avait gardé la mémoire du temps où il était un elfe. Dans les contes, les vilains petits canards deviennent de merveilleux cygnes. Moi, j’ai eu l’impression d’avoir été un petit cygne charmant qui est finalement devenu un canard ! En fait, je témoigne de ça aujourd’hui dans mes livres.
Est-ce que le très grand succès de L’Arabe du futur a modifié ta façon de faire de la BD ?
Je dirais plutôt que j’ai conçu dès le départ L’Arabe du futur avec l’envie que n’importe qui puisse le lire. Quand je faisais La Vie secrète des jeunes ou Pascal Brutal, il y avait beaucoup de gros mots, je voulais que le lecteur s’adapte à l’univers que je représentais. Avec L’Arabe du futur, je voulais être lu par les jeunes, les personnes âgées, les gens effrayés par le monde de la BD… D’où la voix off qui accompagne le lecteur, explique le contexte historique, le cadre… Je voulais être accueillant avec le lecteur. Le prendre par la main, et l’emmener dans mon village.
Pourquoi cette envie de s’adresser à tout le monde sur ce projet-là ?
La description de ce que c’est que d’être “d’origine arabe”, c’est quelque chose qui m’a toujours paru difficile. D’autant plus que je n’ai pas forcément l’air d’être d’origine arabe, et souvent les gens ne me croyaient pas quand je leur racontais la Syrie, ou mettaient en doute ce que je racontais… Je voulais donc qu’il n’y ait plus de doute, que tout le monde sache l’histoire. “Ah oui, je suis pas Arabe parce que j’en ai pas l’air ? Tiens, regarde dans mon sac à dos ce que j’ai…” Je voulais raconter une histoire personnelle et, en même temps, que tout le monde puisse s’identifier à cette histoire. D’où le point de vue de l’enfant.
Est-ce que ça marche aussi parce que beaucoup de gens en France ont peur des musulmans, tu crois ?
Ha ha… très bonne question ! Ecoute, je ne pense pas. J’ai rencontré beaucoup de lecteurs dans des librairies, vraiment beaucoup, j’ai parlé avec eux. Je n’ai jamais rencontré qui que ce soit qui m’ait dit “Ah enfin, qu’est-ce que vous leur mettez aux Arabes !” Je crois même à l’effet inverse. Beaucoup de lecteurs sont frappés par les similitudes entre leur expérience, leur culture et celle de mes personnages. Ces expériences que certains aimeraient voir séparées, sur le mode “ces deux cultures n’ont rien à voir”, j’ai l’impression que mes livres tendent à les rapprocher. Par exemple, je rencontre plein de papys et de mamies qui m’expliquent que la vie à la campagne en France au milieu du siècle dernier leur faisait penser à mes livres.
L’Arabe du futur parle beaucoup de ta famille, tiraillée par certaines tensions. Tu as eu très tôt envie de la quitter ou au contraire d’en rester proche ?
J’ai toujours pensé qu’un des buts de l’homme était de prendre, à un moment donné, sa liberté. Comme les animaux ! Il n’y a vraiment que les êtres humains qui aiment rester en famille toute leur vie. Cet été, j’étais en Bretagne, dans le Finistère. Et du mois de mai à la fin août, j’ai vu des goélands avec leurs petits qui grandissaient. Au printemps, les bébés goélands sont très choyés par leurs parents. Mais à la fin de l’été, ils sont devenus plus gros que leurs parents, ils marchent sur la plage alors qu’ils savent déjà voler, mais ils traînent. Alors les parents leur donnent des coups de becs pour qu’ils se cassent, qu’ils apprennent l’autonomie.
Chez les humains, l’émancipation individuelle est parfois restreinte par l’injonction de rester toujours en famille. C’est évident que le totalitarisme naît de la famille. Les pays les plus libéraux présentent plein de formes de familles différentes : des familles traditionnelles bien sûr, mais ils tolèrent les familles avec deux papas, deux mamans, les parents célibataires, les mères chefs de famille… Les régimes durs vénèrent le patriarcat. En Libye, en Syrie, ou même en Chine, le chef de l’Etat, c’est comme un gars de ta famille qui ressemble à tes tontons, mais qui est le chef des tontons. C’est pour ça que je n’aime pas tellement la défense des valeurs familiales.
Je sais que t’es passionné par les écrits de Carl Jung. Est-ce que la psychanalyse est importante pour ton travail ?
Pendant une période, j’ai lu beaucoup de textes fondateurs de la psychanalyse. Ceux de Freud bien sûr. Mais aussi Adler, Ferenczi et Jung… J’ai l’impression que la psychanalyse a déserté le débat public. On entend des gens comme Boris Cyrulnik, qui dit par exemple qu’on n’a pas besoin de connaître la psychanalyse pour s’en sortir, ou alors carrément Michel Onfray. Mais on n’entend pas beaucoup ceux qui pourraient rappeler que la psychanalyse sauve des gens, émancipe, libère, a changé l’humain moderne. On préfère dire que c’est une autre religion ou je ne sais quoi. C’est assez déprimant. On ne parle plus que des religions.
Dans le troisième tome, tu dis que jeune tu n’arrivais pas à avoir la foi, alors que tes cousins, par exemple, y parvenaient. C’était une douleur ?
J’étais très ouvert à l’idée de devenir croyant, j’acceptais le surnaturel comme une chose concrète, je croyais au Père Noël, à la petite souris. Je passais des heures à essayer de comprendre comment le Père Noël pouvait juger mes actes. Quand venait Noël, je réfléchissais à comment il allait arriver. Le problème avec Dieu, c’est que j’ai toujours eu du mal à voir ses manifestations concrètes.
Et en plus dans le cadre de ma propre vie, j’avais des cousins qui me reprochaient de ne pas être croyant, et, à leur niveau, je voyais qu’ils faisaient tout l’inverse de ce qu’ils professaient : ils étaient cruels, n’avaient aucune bonté d’âme et n’étaient jamais punis par un acte divin. Je me disais que pour respecter la religion il aurait fallu faire l’inverse d’eux, être de bonnes personnes. En fait, ils m’ont sauvé ! Après, évidemment, comme tout le monde, j’aimerais bien que les extraterrestres existent… J’aimerais que la vie soit plus que ce qu’elle semble être… Mais bon, c’est mal barré…
Dans le livre, tu racontes que ta grand-mère a vu arriver une boule de feu chez elle…
J’aime bien raconter comment s’effectue la transmission d’adultes à enfants d’événements supposés magiques. Quand un adulte raconte une histoire à l’enfant, dans le livre, je le montre dans une bulle imaginée par l’enfant. Cela n’est pas réel, mais le récit, lui, devient presque réel pour l’enfant ! Ma grand-mère m’a effectivement raconté que quand elle était petite, avant-guerre, une boule de feu était rentrée chez elle par la cheminée et avait fait le tour de la maison… La “foudre en boule”, c’est un phénomène naturel. Ma grand-mère a vécu toute sa vie avec l’idée que c’était magique, elle ne savait juste pas ce que c’était. C’est très humain, je trouve ! T’as jamais regardé des vidéos de “foudre en boule” sur YouTube ?
Ah ah non !
C’est dément ! Je trouve que les scientifiques ne s’expriment pas assez. Je lis souvent des tribunes de communautaires, de politiques, etc., qui défendent leurs points de vue… Et je rêverais que des Nobel écrivent des tribunes, s’expriment sur l’existence de Dieu, le paranormal, etc. Notre monde devient hyper technologique et semble en même temps retourner parfois dans un gloubi-boulga de superstition déprimant…
Ben, si la Nasa a dit que le calendrier astrologique était décalé…
Voilà, ça, c’est excellent ! La Nasa a publié la nouvelle position des constellations dans le ciel, qui ont bougé depuis que l’astrologie a été inventée il y a des milliers d’années. Rendant définitivement caduque l’astrologie actuelle… Moi, j’ai toujours vécu Taureau alors que je suis Bélier ! C’est hilarant et essentiel que des institutions scientifiques prennent la parole et désactivent ces croyances ridicules.
Tu as des passions étranges… Est-ce que la BD t’aide à rester équilibré ?
Quelles passions étranges ? (rires)
Je sais pas, les boules de feu, Conan le Barbare… C’est chelou, non ?
C’est pas très intellectualisé mais c’est peut-être vrai… C’est vrai que je m’intéresse beaucoup à la science, peut-être plus qu’aux œuvres artistiques… Sur l’art, je suis sans cesse en recherche de l’émotion primitive. J’idolâtre ce que j’ai aimé enfant, c’est la recherche du rosebud originel peut-être ? Je me rappelle des mecs plus vieux qui idolâtraient – à raison – Steve McQueen. Moi, mon modèle de virilité, c’était Schwarzenegger. Je me demandais combien de temps cela prendrait pour que cette figure essentielle masculine accède à la reconnaissance critique. Et là, je vois que sort une analyse sur Schwarzenegger : génial (Prodiges d’Arnold Schwarzenegger de Jérôme Momcilovic chez Capricci – ndlr).
En Syrie, je me rappelle avoir vu un film d’horreur, avec un monstre qui venait de l’espace et qui attaquait un couple d’Américains qui faisait l’amour dans une voiture. Le mec avait une énorme moustache, la fille une permanente. Le monstre arrive, tranche la gorge du type et éventre la fille, dont il sort les boyaux comme une ficelle. Pour moi, dans mon souvenir, c’est un chef-d’œuvre de cinéma. J’essaie de retrouver cette émotion, cette primitivité… Je ne suis pas trop les bandes dessinées modernes, ni les films modernes, c’est un peu la honte… J’ai bien aimé La Bataille de Solférino de Justine Triet, mais j’ai pas encore vu son dernier avec toi !
L’Arabe du futur est traduit en dix-sept langues, il sort en simultané aux USA… C’est vertigineux ?
C’est drôle mais mes lecteurs ont beaucoup de points communs, dans le monde entier. Ce sont des gens qui ne lisent pas de bandes dessinées mais qui se sont rendu compte qu’ils pouvaient le faire en lisant la mienne. Il y a des personnes âgées, des enfants, absolument pas des geek de la BD…
T’as déjà rencontré des gens qui détestaient ?
L’Arabe du futur non, mais il y a quinze ans, une vieille grand-mère était venue à une dédicace pour me dire qu’elle me trouvait obscène et horrible ! C’était mignon quelque part.
Et quand est-ce que tu fais un film où je joue ? Parce que la BD c’est bien beau mais ça me fait pas manger… (rires)
Ah, j’adorerais ! Mais je sais pas si j’arriverai à refaire un film avant d’avoir fini L’Arabe du futur !
Est-ce que l’échec cuisant de Jacky t’a “déchauffé” ?
Refroidi, tu veux dire ! Ecoute, oui un peu, c’était très déprimant, j’avoue ! Je rencontre plein de gens qui me disent qu’ils adorent le film maintenant mais bon… En même temps, cet échec m’a donné l’impulsion pour concrétiser L’Arabe du futur. Après, le cinéma… J’ai créé une petite société de production avec Michel Hazanavicius et Florence Gastaud, pour qu’on puisse produire nos films de manière indépendante… Qu’est-ce que cela donnera ? Je ne sais pas encore. En tout cas, je m’identifie beaucoup à ces cuisiniers qui se créent des potagers pour cultiver et cuisiner leurs propres légumes ! J’adore les bons petits plats !
Rencontre avec Riad Sattouf, le vendredi 21 octobre à 20 h, au Théâtre de La Bastille (Paris XIe), en partenariat avec le réseau Librest. Accès gratuit, réservation sur librest.com ou sur special.lesinrocks.com/club pour nos abonnés.
Un troisième tome toujours aussi brillant où l’on retrouve le jeune Riad, de plus en plus au fait du monde des adultes.
Riad a 7 ans et vit toujours en Syrie avec ses parents et son petit frère. Il commence à mieux comprendre les mensonges des adultes, leur hypocrisie – un bref passage dans la famille de sa mère en Bretagne lui démontre d’ailleurs l’universalité de la cruauté des adultes : là aussi on tue brutalement des chatons.
Son père, toujours aussi rêveur et irréaliste, est tiraillé entre ses fantasmes de réussite, sa femme qui s’ennuie à mourir et veut rentrer en France et sa mère âgée qui aimerait le voir plus respectueux de la religion. Alors que Riad est confronté aux traditions – la circoncision, le ramadan –, il découvre aussi avec émerveillement la pop culture – les Lego, Goldorak, Conan le Barbare… – qui lui ouvre d’autres univers.
Poursuivant son minutieux travail de mémoire, Riad Sattouf est toujours drôle, toujours pertinent. Sa vision du passé est toujours terriblement sombre mais il fait preuve de plus d’empathie, notamment à l’égard de son père, que dans les précédents tomes. Peut-être parce que le petit Riad de 7 ans appréhende mieux les choses, ou peut-être parce que le Riad Sattouf d’aujourd’hui pose un regard plus bienveillant sur ses souvenirs ? Un troisième tome d’une terrible lucidité et d’une grande sensibilité. Anne-Claire Norot
L’Arabe du futur 3 (Allary Editions), 160 pages, 20,90 €
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