Elle a obtenu 11 Grammy Awards, a joué dans les plus grands stades du monde, vendu des centaines de millions de disques… Tina Turner est morte mercredi 24 mai à l’âge de 83 ans. Plus qu’aucune autre artiste, elle nous a montré que rien n’est jamais perdu.
Ce n’est pas un hasard si Nina Hagen la reprenait à ses débuts, que Mick Jagger a outrageusement copié son jeu de scène et que Peaches l’a régulièrement prise en exemple. D’origine afro-américaine et amérindienne, Tina Turner était une guerrière qui ne s’est guère privée de provoquer son auditoire, malgré une naissance dans un Tennessee ségrégationniste qui la vouait à se museler.
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Flanquée jusqu’à la mort du patronyme de son premier époux Ike Turner, Anna Mae Bullock ne s’en est pas moins affranchie, grâce à une irrésistible pulsion de vie. Si on revient si souvent sur ce qui a fait couler tant d’encre, et ce à quoi on l’a tant réduite, c’est parce qu’elle a montré à des milliers de femmes de toutes origines et toutes classes sociales qu’il était possible, avec 36 cents en poche, d’échapper à la violence conjugale. En refusant de se faire détruire par un homme enivré de sa puissance, Tina Turner a essuyé les attaques judiciaires d’Ike car elle n’avait pas respecté leur contrat de tournée, a mené une lourde bataille pour la garde de leurs enfants, a dû négocier avec des labels frileux à l’idée de la suivre sans la présence de son mentor.
Un charisme dément
Son moteur ? L’irrépressible désir de monter sur scène, de secouer ses mini-mini-mini jupes et ses perruques, taper au sol ses talons aiguilles, chanter son indépendance rugueuse, comme en témoigne A Woman in A Man’s World dans son premier album solo enregistré sans Ike : “He’s always right, I’m always wrong/Because he’s weak I must be strong/That’s the way it is/When you’re a woman in a man’s world.” Or, le bien nommé Rough (1978) ne rencontrera guère de succès… le temps que le monde (patriarcal) percute que Tina n’avait rien à envier à l’impressionnant Ike et qu’une femme noire pouvait n’en faire qu’à sa tête, y compris une industrie dominée par des artistes blanc·ches. Pourtant, le message est clair : la toxicité masculine, c’est fini pour elle et non, l’amour n’a rien à voir là-dedans.
Bien avant le mouvement #MeToo, Tina le rappelle publiquement dans une interview donnée au People Weekly, en 1981, prenant le risque qu’on élude son charisme dément et son timbre cathartique. Au contraire, Ike tombe aux oubliettes tandis que son ancienne victime remplit les stades du monde entier. La résilience, le plus beau ressort de la performance : c’est Tina qui nous l’a appris, et on ne la remerciera jamais assez.
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