L’autrice Axelle Jah Njiké, qui a été inspirée toute sa vie par Tina Turner, évoque son rapport à la chanteuse d’un point de vue féministe.
“Tina Turner était comme un membre de ma famille, une vraie figure d’identification au moins aussi importante que Maya Angelou. C’était une bête de scène, mais aussi un modèle de résilience et de combativité pour toutes celles qui ont eu une histoire cabossée comme la mienne. Grâce à elle, on est toutes allées chercher notre Tina intérieure.
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Je l’ai connue tôt car à la maison, on écoutait les disques qu’elle avait sortis avec Ike. Mais j’ai vraiment découvert son histoire avec Tina, le biopic avec Angela Bassett sorti en 1993. À l’époque, je me suis installée dans la salle de cinéma sans m’attendre une seconde à ce que j’allais voir. Je ne connaissais que la chanteuse et j’ai découvert la femme. L’envers du décor. Voir que cette femme que l’on pensait si forte, qui ne laissait rien paraître, était elle-même victime de violences conjugales, c’était sidérant. À la fin du film, il y a cette scène dans une limousine : elle est vêtue d’un costume blanc et, pour une fois, elle rend les coups à Ike. Elle le tabasse. C’est un épisode réel de sa vie, qu’elle a raconté dans sa biographie. Elle a finalement été capable de se choisir elle-même et de s’enfuir, littéralement, en courant, sans un sou en poche.
Un acte féministe fort
Lors du divorce, la seule chose qu’elle a demandée, c’est de pouvoir conserver son nom (NDLR : Le nom “Tina Turner” a été créé par Ike, qui l’a déposé comme une marque. Son vrai nom était Anna Mae Bullock). “J’ai travaillé pour ça, je suis Tina”, disait-elle. Ce combat pour garder son nom, c’est pour moi un acte féministe fort. Mais il y a aussi le fait qu’elle a redémarré une carrière en solo à 40 ans. Son rêve était de devenir “la reine du rock” et elle a réussi. Elle a réuni 180 000 personnes au stade Maracanã de Rio en 1988, un record qui avait été inscrit au Guinness Book. Quant à Mick Jagger, il a reconnu lui avoir piqué sa façon de danser !
L’autre aspect important pour parler de Tina Turner, c’est la spiritualité. C’est la première femme noire que j’ai personnellement identifiée comme bouddhiste. Elle disait que lorsqu’elle avait adopté cette religion, elle s’était aperçue qu’elle était la seule responsable de sa vie et de ce qu’elle voulait qu’elle soit. Je pense sincèrement qu’elle a puisé à cet endroit la force d’évoquer ensuite avec franchise son expérience de violences conjugales, pour aider d’autres femmes – noires et blanches, parce qu’elle parlait vraiment à toutes ! – à trouver le courage de remédier à leur propre situation. Son féminisme, elle n’avait pas besoin de le verbaliser, elle l’incarnait.”
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