Enfance studieuse, jeunesse mouvementée, gloire, boulard, traversée du désert, fric, éthique : portrait d’un animateur-producteur-empereur redevenu ultra-populaire, hypé par France Inter et acclamé sur France Télé. Et d’un homme comblé, mais pas encore totalement apaisé.
Il est à la tête d’un empire. Chaque jour, Nagui divertit des millions de Français, qui l’ont souvent désigné comme leur animateur préféré. Du coup, il est partout. À la radio, on l’entend sur France Inter, dans La Bande originale. Sur France 2, il est omniprésent : le midi dans Tout le monde veut prendre sa place, le soir dans N’oubliez pas les paroles et la nuit, une fois par mois, dans Taratata. Sans compter les émissions qu’il produit avec sa société « Air Productions », qui emploie un noyau dur d’une trentaine de personne et jusqu’à 150 les jours de tournage.
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Marie Genest, fraîchement nommée directrice des jeux et divertissements de France 2, reconnaît son écrasante « puissance de feu« . Pour l’instant, le roi, c’est lui. Elle dit : « Il m’a envoyé un texto, deux minutes et demie après on s’est vu dans mon bureau. » Elle ajoute : « je voulais le sonder, voir qui il était vraiment. Ce qu’il avait dans le ventre. On a parlé plus d’une heure, de tout, de la télé, de la vie. Je l’ai trouvé sincère, vrai… C’est très rare dans un métier où, comme partout, il y a beaucoup de connards. »
« Ne sois pas petit bras »
Il est né il y a 55 ans, à Alexandrie, en Egypte. Il a un grand frère, un père égyptien professeur de littérature comparée et une maman aixoise qui enseigne le français, le latin et le grec. Il a 3 ans lorsque la situation politique se tend et que sa famille déménage à Aix. Il dit : “On a alors découvert les joies de l’immigration. Guetter chaque année la boîte aux lettres – pour savoir si on avait le droit de rester en France ou pas. » Un jour, le courrier tant redouté arrive : le permis de séjour n’est pas renouvelé. Nagui : « c’est une petite violence quand même. Des années plus tard, mon frère et moi, on en parle encore. »
Ils s’envolent au Canada, s’installent à Ottawa, y restent un peu plus d’un an. Il dit : « J’ai adoré« . Le petit appartement où il partageait une chambre avec son frère se transforme en une grande maison avec jardin. Pas de clôtures, les grands espaces. Souvenirs de parties de foot interminables, d’orangeades offertes par les voisins, de sirop d’érable.
Lorsque son père obtient une chaire à la Sorbonne, ils retrouvent la France, la chaleur du Sud, Cannes – où ils s’installent. Le dimanche soir, la petite famille accompagne papa au train de 22h30 pour Paris, où il enseigne deux jours par semaine. Nagui fait sa scolarité dans un établissement privé catholique. Bon souvenir ? « Euh… Il doit y avoir du bon. Mais je n’ai pas reproduit le schéma avec mes enfants. Les cours de philo de terminale ont changé mon regard sur la religion : j’ai un respect profond pour chacune d’entre elles, mais je suis agnostique. »
Il préfère l’atmosphère studieuse de la maison. La radio branchée sur Inter, le salon enfumé par les cigarettes de son père, la table de travail de ses parents, recouverte de copies et de fiches de cours, où il s’installe pour faire ses devoirs. Nagui : « Papa me disait, ‘quoi que tu fasses, bats-toi pour être le meilleur : si tu veux être ministre, sois Premier ministre, si tu veux être balayeur, sois le premier balayeur. Mais ne sois pas petit bras’. »
Complexes, dépucelage et musique
Le 20 janvier 1969, il a 7 ans et ses parents achètent la télévision, pour ne pas manquer le premier pas de l’homme sur la Lune : « c’était une Continental Edison, avec la commande qui fermait à clé – les clés étaient la propriété de maman et c’était mes parents qui décidaient des programmes. » Il grandit en dévorant les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier, ne loupe jamais « la messe » des Rendez-vous du dimanche de Michel Drucker et les matchs de foot avec son père – Pelé est leur idole.
Arrive l’adolescence, les premières mobylettes, et surtout… la musique. Un de ses copains est le neveu de Christian Vander, le leader du groupe culte Magma. En plus de ça, il possède une piaule et un local de répétition dans le jardin d’un immeuble. Le pied. Nagui tâte de la batterie. Il adore ça… Mais il n’est pas très doué : « un jour, après un bœuf, Louis Bertignac m’a dit ‘t’es pas mal – tu gardes pas le tempo, mais t’es pas mal’. » [Rires]. Avec son pote, ils tentent de monter un groupe : « J’ai été propulsé chanteur, on voulait reprendre du Neil Young et du Black Sabbath, je pense qu’il y a dû y avoir trois répétions avant qu’on comprenne que c’était vraiment pas possible…« .
C’est un adolescent complexé. Il dit : « J’étais mal dans ma peau. J’avais le sentiment de ne pas être beau, de ne pas être gaulé, d’être un tas d’os. Je ne savais pas parler aux filles, j’étais ridicule. Jusqu’à 17 ans, je suis resté puceau, sans savoir comment on fait, par où on passe…« .
Il trouve des astuces : « c’est venu en seconde, quand je me suis rendu compte que je ne pouvais pas miser sur le physique ni sur une intelligence qui n’était pas spécialement au rendez-vous. J’ai commencé à jouer la grande gueule, le vanneur, le mec au fond de la classe qui fait rigoler. Je me suis dit : ‘tiens, ça marche’. Je suis devenu le mec sympa. »
Dans les boums, comme il n’ose pas danser ni draguer, il décide de s’occuper de la musique : « un jour, avec un copain, on a acheté deux platines, une table de mixage, et on a organisé nos propres fêtes. On faisait payer cinq ou dix francs pour acheter les boissons et d’autres disques. On était très demandé ! » Déjà, une première affaire qui tourne.
« Si la police vient, vous tirez »
L’étape d’après, c’est la radio pirate, dont il découvre les joies chez un autre ami. Il adore ça, c’est excitant, ça marche : « Il y avait une régie pub, on était à peine payés mais beaucoup d’argent était brassé et on enchaînait huit heures d’antenne d’affilée. » C’est même un peu dangereux : dans le studio, des chiens de garde. Sur la table de mixage, une carabine. Ordre du patron : « si la police vient, vous tirez.” Nagui : « et on pensait sincèrement qu’on le ferait ! On se faisait des films dès qu’on voyait une voiture de flic, on se disait ‘elle vient nous piquer l’émetteur, on va faire de la prison. » Heureusement, elle n’est jamais venue. Il passe tous ses étés à faire de la radio. Jusqu’à son bac, scientifique, mention « assez bien ». Nagui : « ça me correspond, j’ai été ‘assez bien’ tout au long de ma vie« .
Après ça, il veut s’envoler : il rêve de devenir pilote de ligne. Il faut faire une prépa. Son dossier est refusé. Il entre alors à la faculté de sciences de Nice, tente une maîtrise d’informatique. Il a le crâne rasé, des vêtements kaki recouverts de messages peace&love et trouve “que la société est pourrie”.
La fac est en grève, les cours sont bloqués, ses parents lui conseillent de changer d’orientation. Comme son grand-frère avant lui, il monte à Paris dans le petit appartement que possède son père et s’inscrit en prépa HEC. Il se met à bosser comme un dingue. Il dit : “Ma vie a radicalement changé. J’étais totalement dilettante dans le Sud – soleil, bécane, radio, musique, logé, nourri, blanchi. Là c’était tranche de jambon le soir et spaghetti le reste du temps, démerde-toi pour le linge, démerde-toi pour la vie. » Il envisage de monter une petite affaire. Il dit : « toute ma vie, j’ai eu envie de faire rire, et je me suis dit qu’on pouvait en faire un business. Mon frère m’a dit ‘c’est du vent’. J’ai rétorqué, ‘bah alors je vais vendre du vent’. Des années après, j’ai nommé ma boîte ‘Air’ Productions. Du vent, voilà… À la fin, il ne restera rien. Mais entretemps, on aura amusé les autres, et on se sera amusé nous aussi. »
La galère
La compétition qui règne dans la prépa ne lui plaît pas. Un jour, lors d’un concours, il oublie ses cartouches d’encre. Il demande de l’aide à un voisin de table, qui en a une belle réserve mais décide… de tout garder pour lui. Nagui : “A la sortie, je me le suis fait. J’étais une petite frappe à l’époque… »
Mais c’est surtout la vie qui frappe. Qui assomme. Qui tue. Il a à peine 21 ans lorsqu’il perd son père. Il arrête la prépa, redescend dans le Sud, auprès de sa mère. Il tente alors de rentrer à Radio France Côte d’Azur. Nagui : « on me donne une case le weekend, presque par pitié. Les patrons me disaient que j’avais un petit truc dans la voix, mais quand je réécoute les bandes, je trouve ça tellement mauvais…« .
Il trouve un autre job dans une discothèque. Il découvre « la nuit cannoise, la mafia, les maquereaux, les putes. » Il dit : « au début, j’étais un peu père la morale, je ne voulais pas les laisser rentrer. Jusqu’à que ce que je me prenne une baffe dans la gueule et qu’un mec sorte un gun sur le comptoir, pour bien me faire comprendre que ce n’était pas moi qui faisais la loi. Ça rigolait pas…« .
Heureusement, la radio le rattrape, il finit par y travailler quotidiennement. Il copine avec les futurs « Nuls » Chantal Lauby et Bruno Carette. Il demande à ce dernier : “On fait comment pour passer à la télé ? » Carette : « il faut être moche. Avec ton gros nez, ta grosse bouche, ça peut le faire. T’as toutes tes chances !« . Il le présente au patron de France 3 Nice Côte-d’Azur. Mais soudain, tout s’écroule : chagrin d’amour. Sa copine le trompe avec son pote. Violente blessure. Il décide de quitter la ville. Après un passage à Marseille, il remonte à Paris. Il squatte l’appartement du père d’une de ses ex. Pas beaucoup de sous. Il dit : « j’ai beaucoup volé à cette époque-là. Mes spécialités : aller au Monoprix du coin pour mettre de la bouffe en douce dans mon slip, faire le plein d’essence avant de me barrer sans payer et tracer les péages. »
Problème : la voiture est immatriculée au nom de sa mère, qui reçoit une visite de la police et écope d’une très grosse amende. Nagui promet :“Désolé maman, je vais me débrouiller, je vais trouver l’argent. » Un copain le présente au directeur des programmes de Canal + : « je me pointe avec des cassettes VHS des émissions que j’avais faites. Il me dit ‘pas mal, pas mal, vous avez un numéro de téléphone ?‘ »
Peu après, coup de fil, coup de bol : c’est le directeur des programmes – « présentez-vous lundi avec cinq tenues, vous animerez le Top 50 pendant tout l’été« . Fiesta tout le weekend. Il émerge le lundi matin. Coup de fil, coup dur : c’est le directeur des programmes – « désolé, Alain De Greef n’a pas été d’accord avec mon choix, ce ne sera pas toi. » Le monde s’écroule. Cinq tenues pour rien et plus un franc de salaire en vue. Nagui: « j’étais anéanti« . Il trouve du taf à la radio 95.2, mais il en veut plus, il rêve de télé, frappe à toutes les portes, passe des castings… Il galère, finit par être repéré, entre chez M6. Début d’une longue carrière…
« J’ai vraiment pété un câble »
On ne compte plus les émissions qu’il a présentées, que ce soit à la télé ou à la radio. À vue d’œil, plus de cinquante. Il accède à la célébrité en 1991 avec le jeu Que le meilleur gagne sur La Cinq. Son grand ami Gérard Pullicino, qui le connaît depuis trente-trois ans, rappelle affectueusement : « C’est une période où il a un peu enflé. » Nagui :“J’apprenais à vivre avec la notoriété. Avec les gens qui vous regardent dans la rue. Alors oui, j’arrivais en boîte de nuit, je paradais un peu pour être sûr qu’on me reconnaisse. Et puis quand on venait vers moi, je faisais genre ‘Allez, laisse-moi tranquille’ – je ne savais pas ce que je voulais quoi ! C’était un comportement de petit con. »
En 1993, il fonde Air Productions et lance sur France 2 le show musical Taratata, son bébé. L’année d’après, il adapte, à partir d’un concept britannique, l’émission N’oubliez pas votre brosse à dents. Volontairement provocatrice (avec notamment un micro en forme de flingue), elle est critiquée. Mais les audiences sont dingues. Plus de 40 % de part de marché. Nagui est alors considéré comme l’animateur vedette de France 2. Il dit :
« C’est la période où j’ai vraiment pété un câble. Ce qui me dépassait totalement, c’était la facilité de tout. Besoin d’une voiture, on vous la prête, de fringues, on vous les donne. Coucher avec une fille ? Elle vous dit oui. Tout était simple parce que j’étais connu. La vacuité était forcément au rendez-vous – mais si c’est ça la vie, pourquoi ne pas continuer ? Je recevais des cartons de pompes, j’étais invité dans des voyages, à des concerts à New York… Je ne dépensais rien – à part les voitures quand même, et une maison à Saint-Tropez – mais je n’ai jamais collectionné d’art ou pris de drogue, qui pour certains était une grosse source de dépenses. »
En 1996, il est au centre, avec Arthur et Delarue, de l’affaire dite des « animateurs-producteurs » : les clauses spéciales, avantages et montants mirobolants alloués à leurs productions choquent. Il se clashe avec Jean-Pierre Elkabbach, alors directeur de France Télévisions. Elkabbach finit par démissionner tandis que les patrons de TF1 « font la cour » à Nagui, qui décide de rejoindre la chaîne privée : « C’était ce qu’on appelait à l’époque un pont en or, c’est-à-dire trois ans de contrat et quasiment toutes les cases que je voulais. » Open bar pour l’animateur star. Sauf que de son propre aveu, il flotte complet et a alors « zéro concept » :
« Le vrai seau d’eau qui m’a fait redescendre sur terre, c’est l’erreur que j’ai faite de me croire tout permis professionnellement. Je me disais : je fais ce que je veux ? Super. Gérard va réaliser, Jean-Philippe va éclairer, Patrice va faire le son, moi je vais animer et puis… voilà, c’est tout. C’est tout ce qui faut pour que ça marche, c’est ça, non ? Bah non, mon gars. »
La « grande » traversée du désert
Sur le tournage de sa première émission, Etienne Mougeotte – le grand patron – l’accueille en lui offrant du « tu » : « c’est formidable, t’es merveilleux, viens je t’embrasse, je te prends dans mes bras« .
Le lendemain, il se prend une claque d’audience. A 9H02, coup de fil, coup de tonnerre – Etienne Mougeotte : « Faut qu’on se voie. » Nagui : « J’arrive très détendu du gland – le boulard – et je lui dis, non mais attends, hier tu m’as dit que c’était génial. Et lui qui reprend le vouvoiement : ‘vous faites de la merde, et ça va pas continuer comme ça’. C’était ma première émission sur un contrat de trois ans !”
La débandade ne s’arrête pas là. Il rigole : « J’ai fait un prime, au début on était à douze millions de téléspectateurs, à la fin il n’y en avait plus que trois… Les mecs ils se sont dit : il faut vite qu’on se débarrasse de lui. Et ils l’ont fait, ils m’ont viré. » On évoque une « petite » traversée du désert. Il reprend : « t’es marrant, il y a carrément eu deux années sans rien. Après il y a eu Canal où je me suis encore pris des claques en reprenant Nulle part ailleurs ».
Patrick Besson, le considérant illégitime et incapable de recevoir des écrivains, l’attaque alors violemment dans Le Figaro. Nagui, blessé et toujours aussi sanguin, le croise lors d’une projection et le course. « Je me disais : je vais lui en mettre une. Mais il s’est faufilé entre les rangées et j’ai pas réussi à le choper ! »
Une petite saison et puis s’en va : il est viré de Canal. Pendant deux nouvelles années, il va voir toute les chaînes de télé. Mais personne ne le reçoit. A l’aube des années 2000, Nagui a désenflé… au point de devenir invisible. On ne l’invite plus, on ne lui parle plus – même certains artistes qui ont fait leur première télé à Taratata le snobent. Nagui : « Là je me dis il faut que j’arrête, que je dépose le bilan, que je monte une pizzeria dans le Sud. » Il ajoute : « Dans ces moments-là, tu relativises tout. Maintenant, quand des vedettes me claquent la bise, je sais qu’ils embrassent l’hologramme qui passe à la télévision, et pas l’être humain. »
La maturité
Heureusement, restent les vrais amis. Quand Gérard Pullicino parle de « son frère » Nagui, les larmes ne sont pas loin. Il dit : « fidèle, loyal, sensible, généreux, extrêmement intègre, ça fait même peur. » Il dit aussi, toujours aussi affectueusement : « tête de con« , « tête de mule« . Nagui ne contredit pas : « il a raison« . Il dit aussi : « à 55 ans, si t’as pas de potes, c’est que t’as raté ta vie. Et j’en ai suffisamment pour être heureux. On dit qu’on les compte sur les doigts d’une main. Moi j’ai de la chance, je crois qu’il y en a plus que ça qui peuvent m’appeler à trois heures du matin pour cacher un cadavre dans le placard. Bien sûr j’espère que la réciproque est vraie ! »
Par contre, aujourd’hui, il n’éprouve plus le besoin de parader au milieu d’une cour d’admirateurs : « Vous ne me verrez presque jamais dans des restaurants, des boîtes de nuit branchées, des fêtes tropéziennes. » Il ne fume pas, ne boit pas, même pas de café. Il est récemment devenu végétarien.
Cet assagissement lui a permis d’appréhender son retour au succès plus sereinement. Depuis 2006 et le carton des jeux Tout le monde veut prendre sa place puis N’oubliez pas les paroles, tout lui sourit à nouveau. Pourtant, malgré ses succès à la télévision, il lui manque quelque chose. En 2014, il exprime à Laurence Bloch, la directrice de France Inter, son envie de travailler pour la station publique. Laurence Bloch : « je pense qu’à 50 ans, il avait besoin d’une respectabilité, d’une reconnaissance intellectuelle. Ses parents étaient profs, c’est quelqu’un de cultivé. Je crois c’était important pour lui d’aller sur une radio dite ‘intellectuelle’, ‘culturelle’. Je pense que, quelque part, il l’a fait pour ses parents – même s’ils ne sont plus là. » Son émission, La Bande originale, est suivie par près de deux millions d’auditeurs. Reviendra-t-elle à la rentrée ? Laurence Bloch : « ça ne dépend que de lui« . On l’a dit : aujourd’hui, c’est lui le roi.
Mais il dit :
« Dans les années où ça n’allait pas, quand j’étais en moto sur le périph’, il y a des jours où j’ai pensé ‘ça serait peut-être plus simple qu’une voiture déboîte’. Je ne supportais pas ce sentiment d’être rejeté, d’être inutile, de ne rien faire. La vie est fragile. Et je sais que ça reviendra. Je m’y prépare, je sais qu’il suffit d’une audience, d’un sondage, de la décision d’une personne pour qu’il y ait un effet boule de neige. Si Delphine Ernotte (la patronne de France Télévisions, ndlr) décide de tout arrêter, et que TF1 et M6 ne m’accueillent pas, c’est fini. Mais y être préparé n’enlève pas la fragilité, le mal-être. »
Les larmes. Gérard Pullucino souffle : « je ne sais pas si je devrais le dire, mais c’est un homme qui pleure. » Nagui : « je ne le cache pas. Ce qui me fait pleurer, c’est l’injustice, les injustices de la vie – la maladie, la mort – et les injustices des hommes. »
Ce qui reste, et ce qui s’envole
Il dit : « Je pense qu’il y a des valeurs importantes et j’essaye d’en parler le mieux possible. La lutte contre l’homophobie, le vivre-ensemble… » Il évoque l’affaire Théo : “Je trouve ça totalement dingue. Je serais policier, je serais fou de rage. En 2015, lors du rassemblement place de la République après les attentats, j’étais là en train de les applaudir, en disant ‘putain les mecs, vous mettez votre vie en danger pour protéger la nôtre, c’est formidable’, et puis là d’un coup tu te dis ‘mais qu’est-ce-que tu fais toi avec ta matraque, sans déconner ! ».
L’argent ? Il ne veut plus dire combien il gagne. Il l’a déjà fait. En 2009, dans Le Parisien, il déclarait toucher 2 000 euros par jour, sans compter la radio. C’est beaucoup. Il le sait. Il dit : « je n’ai pas de problèmes avec l’argent mais je suis au courant du prix du pain au chocolat. Je sais quel est le salaire médian en France, je sais très bien qu’une infirmière est à 1 600, 1 700 et encore, je sais que les profs arrivent en fin de carrière à 2 000 et quelques. »
On a appris par ses amis qu’il donnait beaucoup. Il est parrain de la Fondation pour la Recherche Médicale et du Secours populaire. Sur sa liste de mariage, il n’a pas demandé de cadeaux, mais des dons à des associations caritatives. Il s’étonne :
« Je n’en parle pas. La seule chose que j’ai dite publiquement, c’était que je recevais dans ma maison de Saint-Tropez des enfants qui ne peuvent pas partir en vacances. C’était pour donner l’exemple. D’ailleurs j’ai dit à mes propres enfants, ‘réveillez-vous parce que je ne vous laisserai rien’. Pas de ‘gosses de’ qui vont hériter. Les petits savent qu’à 16 ans ils vont commencer à bosser. Je ferai tout pour qu’ils ne manquent de rien hein. Mais je ne veux pas non plus qu’ils n’aient besoin de rien. »
Et lui, il lui manque quoi aujourd’hui à Nagui ? Il dit : « un corps d’athlète, des cheveux blonds au lieu des cheveux gris. » Plus sérieusement : « j’ai toujours besoin d’un moteur sinon c’est la lassitude qui s’installe. » Il y a la tension quotidienne des duels d’audience qui excite encore (Nagui talonne et, parfois dépasse le jeu d’access du concurrent TF1, Money Drop). Et puis il y a les nouveaux projets, les nouvelles idées : développer de la fiction, des documentaires.
Il dit : « Carpe diem« . Il se ragaillardit : « je ne veux pas regretter ce moment de magie que je vis. Je me dis ‘rends-toi compte, t’as un jeu à midi, t’as un jeu à 19H, t’as Taratata, ça cartonne, tu fais des primes, t’es sur Inter, tes enfants sont en bonne santé, ta femme est encore amoureuse, toi aussi, tout va bien putain…’ Je suis tellement bien loti. Tous les matins, je me dis que j’ai de la chance, sincèrement, une chance incroyable. »
Mais il dit aussi : « ça ne durera pas, la leçon de tout ça, c’est que rien ne dure. » Les empires s’écroulent. La vie, ce n’est que du vent. Alors, tant qu’on a le temps : autant s’amuser.
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