Primé à Angoulême, Willem revient avec un recueil détonnant sur l’histoire des relations internationales, et les horreurs commises par les grandes puissances depuis plus d’un siècle.
L’attribution à Willem du Grand Prix de la Ville d’Angoulême 2013 n’a pas manqué de faire jaser. On a tout entendu : critiques sur le mode de désignation (au lieu de se déterminer seuls, les anciens lauréats devaient cette année choisir parmi cinq noms plébiscités par les professionnels), reproches sur sa qualité de dessinateur de presse plutôt qu’auteur de BD, regrets du choix d’un auteur âgé (il a 71 ans) et secondaire quand tant de géants restent à honorer (Alan Moore, Katsuhiro Otomo…), grincements sur son engagement politique. Sans rien avoir demandé, Willem s’est retrouvé au milieu d’une polémique qui malheureusement éclipse ses talents et son mérite, que ce prix voulait récompenser.
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D’origine néerlandaise, Willem fait partie dans les années 60 du mouvement contestataire provo et vient en France pour couvrir Mai 68. Français d’adoption depuis les années 70, il travaille alors à Hara-Kiri et Charlie Hebdo, puis à Libération. Si Willem n’a pas révolutionné la bande dessinée, sa contribution est néanmoins éminente. Le dessin de presse engagé et le récit d’actualité (dont il est un des pionniers), qu’il publie dans la presse ou en recueils, aujourd’hui principalement chez Cornélius (tel l’excellent Feuilleton du siècle), n’ont pas de secret pour lui.
Willem excelle dans le format court, où sa concision et son don pour le dessin percutant servent à merveille son esprit caustique et son humour féroce. Dégueulasse, tout juste paru aux éditions de Charlie Hebdo, Les Échappés, en est une nouvelle preuve. En une page, partant d’un fait historique, Willem plonge dans les arcanes les moins reluisantes des relations internationales entre la fin du XIXe siècle et aujourd’hui, et montre comment des décisions politiques prises il y a des décennies – bien souvent par les puissances occidentales – ont à présent des répercussions dramatiques sur le monde entier. Il s’attaque ainsi à la Françafrique, à la puissance de l’Allemagne, à la révolution chinoise, au chaos afghan, à l’Iran et sa volonté de posséder le nucléaire, au trio religion – obscurantisme – fanatisme…
Sans tabou dans le propos ou dans le dessin, avec une liberté absolue dans la mise en page, il juxtapose des détails historiques peu glorieux et des faits en apparence anodins, brasse les idées, arrive à des rapprochements acides et brillants, bref, fait réfléchir. À l’arrivée, son constat est bien sombre mais son talent, lui, reste lumineux.
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