Céleste Brunnquell, par sa présence douce et solaire, magnifie ce récit dont l’ambiance rappelle parfois le conte, parfois la BD.
Partir, rentrer ou trouver la maison. Le cinéma – de Spielberg à Pialat, en passant par Serge Daney – a souvent lié sa pratique, son étude à l’idée d’un abri, d’un territoire inventé et choisi par ses protagonistes en quête (d’une place, d’un regard, d’un point de vue). Fifi, premier long de Jeanne Aslan et Paul Saintillan, s’empare de ce motif pour en faire le nœud de sa fiction organisée autour de Sophie (Céleste Brunnquell) dite Fifi, 15 ans, ado d’une famille nombreuse et sans argent.
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La veille des vacances d’été qui, pour elle, n’ont d’autre horizon que celui de son HLM à Nancy, une rencontre fortuite avec une ancienne copine, elle sur le départ, la pousse à voler les clés de sa spacieuse maison. Fifi devient alors locataire clandestine du confortable logement qui se révèle, sous l’œil des cinéastes, comme une variation de cette chambre à soi prisée par Virginia Woolf.
La maison devient un îlot utopique, terrain neutre et bientôt amoureux
Si la maison offre à Fifi une ouverture et une émancipation culturelle sur le monde (un piano, des films et des livres), elle lui permet surtout de profiter d’une oisiveté et d’une solitude désignées ici comme des privilèges réservés à celles et ceux qui ont le temps et l’argent. Avec l’arrivée du fils aîné (Quentin Dolmaire, parfait en étudiant de commerce désabusé) venu là pour faire de la mise sous pli en guise de job d’été, la maison devient un îlot utopique, terrain neutre et bientôt amoureux où la rencontre de deux êtres socialement écartés peut se produire.
Jouant de deux objets symboliquement signifiants (une cannette de Kro/un livre de Kafka) à regarder ici comme de malicieux macguffin, Fifi, film décloisonné sur le cloisonnement, trouve sa juste respiration au contact d’une tonalité solaire et un brin naïve qui rappelle le conte et la BD. Enfin, Céleste Brunnquell, hallucinante actrice de l’anti-maîtrise, génialement humble, donne à tout ce qu’elle touche souplesse et nuances.
Fifi de Jeanne Aslan et Paul Saintillan, avec Céleste Brunnquell, Quentin Dolmaire (Fr., 2022, 1 h 48). En salle le 14 juin.
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