À la Villette du 31 mai au 3 juin, la metteuse en scène Fanny de Chaillé convoque dix jeunes comédien·nes qui confrontent leurs discours individuels au récit porté collectivement. Une mise en abîme passionnante et chorale sur l’histoire avec ou sans grand H.
“Le Chœur prend son origine dans une de mes pièces précédentes, Désordre du discours, d’après l’Ordre du discours de Michel Foucault. C’est un projet avec un seul acteur destiné à être joué dans les amphithéâtres d’université, explique la metteuse en scène Fanny de Chaillé. Après cette pièce, j’avais envie de travailler sur une forme chorale avec de nombreux acteurs et actrices, car ce qui m’intéresse dans la notion de chœur, c’est que c’est à la fois l’endroit où on écoute et le lieu d’où l’on parle. Le déclencheur a été le texte Et la rue, du poète Pierre Alferi avec qui je travaille depuis longtemps.
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En discutant ensemble, il m’a dit cette phrase qui a particulièrement résonné en moi : ‘On n’écrit jamais un poème de nulle part’. Ça a été le déclencheur, j’avais envie de travailler à partir de ce texte et de poser une question aux acteurs : quand est-ce que votre petite histoire a rencontré la grande histoire ?”
Un spectacle à la fois déroutant et fascinant
Dans un décor minimaliste, la scène est plongée dans sa brutalité sans aucun élément de décor pour que les artistes prennent mieux possession de l’espace. Une coupure de courant dans un appartement déclenche plusieurs événements et délie les récits intimes de chacun et chacune, renforcés par le reste de la troupe, par ses gestes ou sa parole répercutée en chœur.
Le Chœur est un mix de performances solo, de déplacements de groupe, de danse comme de déclamations, de furtivité comme d’électricité, de mouvements précis comme de confusion humaine, d’anecdotes comme de drames. Les dix protagonistes, impeccables, partagent un spectacle à la fois déroutant et fascinant, drôle par moments, poignant à d’autres.
C’est en répondant à l’invitation de l’édition 2020 du dispositif Talents Adami Théâtre et du Festival d’Automne, que Fanny de Chaillé a pu mener à bien ce projet d’exploration de la notion de chœur, vaste terme où s’entrechoquent différentes interrogations contemporaines, mais pas que, sur les liaisons complexes entre identité collective et individualiste : comment nous faisons groupe, nous nous intégrons, nous mutualisons nos efforts, comment nous portons une voix commune ?
Un groupe plutôt qu’une somme d’individualités
“Je trouvais intéressant, détaille Fanny de Chaillé, sur un projet comme celui-ci, qui est de mettre en avant des jeunes acteurs, de renverser la proposition. Plutôt que les mettre en avant individuellement, j’ai travaillé avec eux collectivement et je montre un groupe plutôt qu’une somme d’individualités. Je leur ai dit qu’il n’y aurait pas de héros ou d’héroïnes dans cette histoire, qu’ils devaient tous collectivement mettre en avant la parole d’un seul à un moment donné. La pièce est une succession de monologues portés à chaque fois par l’ensemble du chœur.”
Une performance qui multiplie les questionnements et qui ricoche parfaitement avec l’ère post Covid-19 que nous vivons actuellement, mais aussi l’ère de l’individualisme prôné par les réseaux sociaux, tout en auscultant le pouls des jeunes générations actuelles.
Initiée en 2020, la pièce, empêchée par la pandémie, a été évidemment traversée par cette contrainte. Elle a vu ses répétitions annulées, ce qui a obligé la metteuse en scène à inventer d’autres modalités théâtrales, en créant avec sa troupe, un journal quotidien et un podcast. Ces formes d’extension de la pièce, permettent au public de plonger plus loin dans les multiples pistes de réflexion offertes par Le Chœur. Comme le souligne Fanny de Chaillé, la pièce qui se joue régulièrement depuis sa création, preuve de son succès, “fait à la fois rire les gens et enclenche à la suite de grandes discussions. C’est une réflexion sur les jeunes trentenaires, enfin sur leurs récits réels comme fictifs, qui provoque des débats entre leur génération et des personnes plus âgées et, donc, tout le monde se retrouve à converser (…) et c’est une bonne chose actuellement, me semble-t-il !”
Le chœur de Fanny de Chaillé, du 31 mai au 3 juin. Grande Halle de la Villette.
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