L’humoriste originaire de Metz se détache par un style unique, misant souvent sur le non-rire. Rencontre avec un type pourtant moins perché qu’il n’en a l’air.
Celui qui affirme que Redaounne Harjane ressemble à un autre humoriste ne connaît pas Redouanne Harjane. En tout cas pas assez. Son ascension, débutée en 2010 dans le Jamel Comedy Club, a envoyé son humour absurde squatter les scènes, le petit écran et le grand écran.
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2016 a été une année bien remplie pour lui, 2017 s’annonce aussi animée : il tiendra le rôle principal dans M, nouveau film de Sara Forestier, est en tournée, et sort ce 14 février le clip de son alias Gabriel Simon, chanteur philosophe romantique qui théorise pas mal sur la musique. Un peu trop même.
Sa meilleure vanne est un bide
Si Redouanne Harjane plaît tant, c’est en grande partie grâce à son côté perché et absurde. “C’est compliqué car souvent, le monde est plus drôle et plus absurde que ce que je pourrais en dire, concède-t-il. La réflexion demande donc encore plus de temps.” Si le personnage qu’il incarne lors de ses spectacles est un peu lent, à l’air d’avoir tiré sur un paquet de joints dès la petite enfance, il ne joue cependant pas le fonsedé de service. Plutôt un gars largué dans un monde taré, le nôtre.
Surtout, le comédien joue très habilement avec le non-rire :“Ça m’amuse, mais c’est la hantise des boîtes de production (rires). Mon public sait pourquoi il rit ou pourquoi il ne rit pas. J’ai fait une interview avec Kev Adams il y a des années, où j’ai une minerve et un œil au beurre noir. La vidéo dure trente secondes et beaucoup de gens sont persuadés que je fais un énorme bide. Alors que pour moi, c’est ma meilleure vanne. Parfois, la blague est drôle si les gens ne rient pas.” Pas faux pour le coup.
En 2012, Redouanne Harjane a aussi officié sur France Inter, dans On va tous y passer présenté par Frédéric Lopez, puis dans l’émission Le Supplément de Canal Plus avec Maïtena Biraben aux commandes.
“Je ne connaissais pas cet univers, j’étais un peu perdu, sans manager à l’époque. C’était dur, il fallait suivre le discours rédactionnel de l’émission sans s’oublier artistiquement, t’as très peu de temps à l’antenne… Je remercierai toujours Laurent Bon de m’avoir donné cette possibilité, mais je n’ai pas su transformer l’essai. Peut-être que tu te crois arrivé, t’es à la télé, on te maquille, t’as une loge avec des bonbons… La télé, ça peut rendre fou.”
Il préfère clairement la scène.
“Music is everything”
Il parle beaucoup de Metz et de la Lorraine, terre natale dont il tire cet humour si singulier. “C’est une région ouvrière, très forte, avec un passé lourd. Du coup, ça serait un manque de respect de ne faire rire qu’avec des prout-prout tralala.” Pourtant, à ses début à dans le petit Paris de l’Est, Redouanne Harjane se destinait plutôt à la musique. Il a notamment intégré la Music Academy International de la rivale Nancy, école réputée qui lui permet de perfectionner son instrument fétiche, la basse. Il joue dans quelques formations, mais s’oriente vers un cursus de musicien studio.
“Je plaçais de la basse sur des albums. Comme le dirait Gabriel Simon : ‘Music is my life. Music is everything.’ En ce moment, je suis à fond dans Bon Iver.”
Sur scène, il s’accompagne d’une guitare. Ce grand fan de Johnny Cash (il passe sa musique avant de monter sur scène, dans la salle comme dans sa loge) revendique la filiation avec Raymond Devos ou Coluche, eux-mêmes souvent accompagnés de musiciens.
“Devos, c’est un type qui faisait des primes sur TF1 avec une flûte traversière et un costard mauve, faut pas l’oublier. Mais moi, si je commence à faire des digressions avec des jeux de mots, je vais avoir l’impression de me masturber intellectuellement, de faire des effets. Lui, il faisait des effets de ouf, mais tout en racontant une histoire. C’est labyrinthique, mais on ne se perd pas.”
Seul en scène et mini-série
Issu de la génération stand-up, il se distingue pourtant du format que l’on prête à cette scène. “Est-ce que je me suis déjà considéré comme un stand-uper ? Je ne crois pas. C’est sûr que quand tu es produit par Jamel Debouze, qui est un de ceux qui a importé le stand-up en France, les journalistes font des associations d’idées, des raccourcis. Mais non, je ne me considère pas comme tel, plutôt comme un comédien qui vient sur scène et qui défend un personnage. Je fais du seul en scène.”
Mais il fait aussi des mini-séries, notamment Les Dessous du rock, sorti en 2016 en six épisodes complètement barges. L’histoire d’un journaliste rock travaillant pour un mélange de Rock & Folk et de Closer, tabloïd musical trash, qui part suivre la tournée d’Oxmo Puccino pour revenir dans les petits papier de son Jonathan Lambert de chef. Si on retient quelques bonnes barres de rire, on est aussi marqué par le potentiel comique inattendu d’Oxmo.
“Faire rire, c’est pas simple, surtout quand t’es rappeur. Les gens s’attendent à ce que tu fasses rire avec des dents en or, que tu fasses la caillera et que tu défonces tout. Lui, il a accepté une autre sensibilité.”
Le projet du moment, c’est donc Gabriel Simon. Encore une histoire de mélange entre musique et humour. Un morceau au titre bien cliché, Somebody to Love, des perruques so eighties, des paroles que l’on vous laissera juger… “Simon va signer dans une grosse maison de disque, une major et tout, un bête de deal. Simon, faut le prononcer à l’anglaise. Il croit qu’il connaît l’amour, les femmes, qu’il est irrésistible. Il pourrait faire mes premières parties, et il va faire des feats avec des rappeurs. Bref… Je peux lui faire dire ce que je veux, lui inventer la vie que je veux.” Espérons que Gabriel ait au moins autant de succès de Redouanne.
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