Avant son concert ce mercredi soir au Point Ephémère, Alex Cameron nous parle de sa carrière accidentée, de son désir d’écrire et de sa folle année 2016. Cool occasion de remettre en lumière l’un des albums les plus marquants des derniers mois. En attendant son prochain disque, prévu pour 2017.
Tu as énormément tourné en Europe et aux Etats-Unis en 2016 avec ton album Jumping The Shark. Tu habites toujours en Australie ?
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Alex Cameron – Je prépare une tournée sur la côte ouest des Etats-Unis, donc je profite de deux jours de repos pour voir des amis, ici, à New York. C’est la première fois depuis très longtemps que je dispose de quelques jours pour me poser et rester au calme. En ce moment j’habite un petit peu n’importe où : je crois que je ne suis pas rentré en Australie depuis près d’un an. J’essaie d’adapter ma situation géographique à mon programme de concerts en fait.
Tu avais sorti cet album tout seul en 2014. Le disque était passé presque inaperçu et il a été miraculeusement réédité par Secretly Canadian. Comment t’es-tu connecté avec eux ?
Tout s’est joué il y a deux ans, à Paris, le soir où j’ai joué avec Foxygen au Silencio pour l’after-paty du Pitchfork Festival. Après le concert, Jonathan Rado de Foxygen a glissé une note dans mon sac. Il voulait que je les accompagne pour assurer les premières parties de leur tournée américaine. Avec Roy, mon pote saxophoniste qui m’accompagne sur scène, on ne s’est pas posé de question. On a dû faire une trentaine de concerts en un mois avec eux. Lors de la dernière date de la tournée, des représentants de Secretly Canadian ont voulu nous rencontrer et deux mois plus tard on avait signé le contrat pour ressortir l’album chez eux.
Ce n’est pas devenu compliqué de défendre tous les soirs un format de concert et des morceaux vieux de plus de deux ans ?
Pas du tout. Il s’agit de l’expérience la plus excitante et la plus passionnante de ma vie. Je suis heureux qu’il y ait des gens qui aiment le disque mais je trouve que les chansons sont plus intéressantes que l’album qui les rassemble. Cela fait des années qu’elles m’accompagnent sur scène maintenant mais je suis toujours aussi excité au moment les interpréter et de les redécouvrir. La configuration des concerts change très progressivement : je vois le public grossir, j’entends certaines personnes reprendre les paroles de plus en plus fort. Tout cela crée de nouvelles ambiances à chaque concert. On a un nouveau disque qui est pratiquement prêt, donc pour nous il s’agit surtout de profiter de ces derniers moments privilégiés avec ces chansons. Et de continuer à grandir avec elles.
En Australie, tu étais surtout connu car tu faisais partie de Seekae, un groupe d’ambient un peu émo. Le groupe existe-t-il encore ? A quel moment as-tu décidé de t’investir complètement dans ta carrière solo ?
Seekae existe encore, le groupe est toujours en vie. Mais j’avais besoin d’un projet capable d’incarner tout ce que j’envisage d’un point de vue créatif. Pour être pleinement satisfait de mes chansons, j’ai besoin de tout contrôler, sans compromis. Cela peut sembler très individualiste mais j’ai réellement besoin d’être aux commandes pour prendre un maximum de plaisir.
La plupart de tes chansons sont écrites à la première personne, avec beaucoup d’emphase sur la narration. On a même le sentiment qu’il s’agit plutôt de petites nouvelles, transformées en chansons…
J’accorde énormément d’importance à l’écriture. Pour les chansons de Jumping The Shark, j’ai essayé de mettre en lumière quelques éléments tirés de ce que j’appelle mes petites tragédies du quotidien. Le but était de les amplifier et de les maquiller de fantaisie et d’imagination. Je vois l’écriture comme un microscope, un formidable moyen d’insister sur d’infimes détails pour les transformer en séquences narratives. J’ai pris quelques anecdotes de ma vie de tous les jours et j’ai essayé de leur insuffler une nouvelle existence. Cela me permet de les envisager sous un autre angle et d’exagérer ma personnalité pour prendre le pouvoir au moment de monter sur scène et de raconter une histoire.
Tu as longtemps tourné sans bénéficier du soutien d’une véritable structure professionnelle autour de toi. Tu n’as jamais pensé à abandonner ?
La seule chose par laquelle j’ai peut-être été tenté, c’est de sortir mon second album plus rapidement. Heureusement, certains bons amis comme Angel Olsen, Mac DeMarco ou Kevin Morby, m’ont encouragé à persévérer et à miser sur ces chansons que pas grand-monde n’avait entendu. Finalement ça a payé. Je trouve que le disque n’a pas tellement vieilli car il ne s’inscrit pas dans une mode ou dans un son particulier de l’époque.
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La musique tenait-elle une place importante dans ta famille, dans ton éducation ?
Quand j’étais enfant on n’avait pas la télévision mais une radio et un lecteur CD. Tous les soirs, après les infos, ma mère et mon père avaient l’habitude de nous faire écouter de la musique. Dix artistes différents à chaque fois. Bon il ne s’agissait pas d’un cours de musicologie très recherché hein, mais on écoutait des classiques. Genre : Bob Dylan, les Stones, les Beatles, Franck Sinatra, Nat King Cole… J’étais persuadé que Nina Simone était un homme jusqu’à ce que je devienne adolescent que je découvre son visage à la télévision. Personne n’a jamais joué d’un instrument dans ma famille mais ma mère m’a toujours encouragé à écrire des histoires.
Tu aurais fait quoi si Jumping The Shark n’avait jamais bénéficié de cet improbable écho de dernière minute ?
Quand j’habitais encore à Sydney je travaillais dans la fonction publique et j’enquêtais sur des affaires de corruption. Le genre de truc stressant et confidentiel… Mais j’étais assez heureux dans ce job. Cela a duré à peu près trois ans et c’est à cette époque que j’ai commencé à écrire mon album solo. Je suis parti en 2014 pour me consacrer pleinement à la musique mais il est possible que mes priorités changent à nouveau. Ce qui est certain, c’est que je continue à écrire énormément.
En concert mercredi 15 février à Paris, au Point Ephémère
Propos recueillis par Azzedine Fall
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