D’une cohésion impressionnante, le troisième album du chanteur ne parle que de ça : la douleur de la séparation amoureuse. Un mal pour un (disque) bien. Critique et écoute.
Avec ce troisième album, la manière de Julien Doré subit une fulgurante rétraction. Rétraction d’abord à un seul motif. Toutes les chansons ici (disons toutes sauf une, on y reviendra) ne parlent que d’une seule chose : la souffrance amoureuse après le départ de l’être aimé. Rétraction aussi du crew de collaborateurs aux manettes. Là où les deux premiers albums (Ersatz, 2008, puis Bichon, 2011) proposaient un attelage des auteurs-compositeurs les plus en vue sur le marché, Løve est le fait d’une toute petite poignée de garçons : autour du chanteur, qui a écrit la plupart des titres, quelques proches, comme le groupe electro Omoh, Darko Fitzgerald, Julien Noël son pianiste depuis les débuts, Antoine Gaillet à la réal et, pour une seule chanson, Arman Méliès.
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Ce retour lancinant d’une seule figure (l’abandon) combinée à la belle homogénéité de sa facture electro-folk donne à l’album sa tonalité cohérente, obsédée, monomaniaque. C’est la chronique bipolaire d’un ressassement. Les réminiscences du bonheur, associées généralement à des villes étrangères traversées en amoureux, remontent parfois en vagues apaisantes (London nous aime, Viborg). Parfois au contraire la douleur se fait rage, comme dans le saisissant Hôtel Thérèse, mix de récriminations et de menaces (“j’veux pas qu’on te touche, j’volerai les reins des enfantsrois qui à tes seins pendront leur bouche”).
Si le chagrin prend parfois des détours plus désinvoltes (le très gracieux Chou wasabi, avec Micky Green), il peut plonger jusqu’aux profondeurs suicidaires (l’élégiaque Corbeau blanc). Au coeur de l’album trône Platini, pur délice qui échappe néanmoins à l’unité thématique de l’ensemble et apporte une tonalité à la fois majestueuse (usage grandiose des choeurs) et clownesque (Julien D. y retrouve le temps d’un pont sa voix de tête drolatique). A la fois dansant et torturé, l’album est à ce jour la plus belle réussite de son auteur.
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