Avec l’aide d’invités prestigieux (de Paul McCartney à Beck), Soundbreaking retrace l’histoire de la musique enregistrée et amplifiée en six épisodes passionnants.
Que serait l’histoire de la musique sans l’électricité ? Sous le prisme de la technologie, le documentaire Soundbreaking plonge dans l’épopée des musiques populaires. Les deux premiers des six volets sont consacrés aux révolutions engendrées par la guitare électrique, le synthétiseur, l’ordinateur, ainsi qu’au rôle déterminant du studio d’enregistrement.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Dès le début du XXe siècle, l’électricité permet l’amplification des instruments acoustiques. Voici que la guitare (sèche), assourdie par trompettes et saxophone dans les orchestres de jazz, rugit désormais au premier plan.
Brandie par Charlie Christian, puis Keith Richards, Pete Townshend, Jimi Hendrix, elle devient objet de rébellion sexuelle, politique, mais aussi métaphysique. Extension artificielle du guitariste, l’instrument et son ampli lui confèrent des pouvoirs surnaturels et déclenchent l’hystérie d’un public tout entier dévoué à ces nouveaux dieux, mi-hommes mi-machines.
Quand le synthé devint mainstream
L’humain ne cessera dès lors de chercher à repousser ses propres limites en apprivoisant des machines. Expérimenté au départ par Pierre Henry ou Stockhausen, le synthé tape vite dans l’œil des rockeurs anglo-saxons désireux d’embarquer dans des voyages cosmiques. A l’opposé du classique tube pop émerge une musique de transe “non narrative, sans début, sans milieu, sans fin”, commente Brian Eno, portée par Tangerine Dream, Can, Kraftwerk ou encore Jean-Michel Jarre (dont l’album Oxygène connaît un succès tant artistique que commercial en 1976).
Dans les années 1980, le synthé devient mainstream. Trop même, pour certains qui lui reprochent son artificialité. La guerre entre organique et électrique ne fait que commencer. Dans les années 1990, la techno retranscrit le battement du cœur en un “boom boom” 100 % artificiel. Puis l’arrivée de logiciels ultrasophistiqués comme ProTools permet à l’artiste de créer son album à l’ordinateur, sans studio.
En plus de retracer l’histoire des musiques populaires, Soundbreaking invite donc à s’interroger sur le concept d’authenticité : l’artificialité de la musique ne daterait-elle pas du premier ampli Gibson, créé en 1939 ? Et que dire des cris de mouettes présents sur le Tomorrow Never Knows des Beatles, réalisés à l’aide du rire accéléré de McCartney ?
Dès lors, comment conserver son âme et ses idées, comment ne pas s’éparpiller face à l’incessant progrès technologique ? Le producteur Nigel Godrich (Radiohead) continue, lui, de couper ses bandes au rasoir et de les assembler au scotch : “C’est propice à la méditation !” Pas sûr que Skrillex en fasse autant. Carole Boinet
Soundbreaking 1 et 2 série documentaire de Maro Chermayeff et Christine Le Goff, vendredi 10, 22 h 25, Arte
{"type":"Banniere-Basse"}