Le dernier long-métrage de Martin Scorsese “Killers of the Flower Moon” était l’un des films les plus attendus pour la prochaine compétition du Festival de Cannes. Il sera finalement projeté hors-compétition. Comment expliquer une telle décision ?
Après la première annonce de la sélection officielle du 13 avril dernier, Thierry Frémaux avait confirmé la présence de Martin Scorsese et de son long-métrage Killers of the Flower Moon sur la Croisette. Il avait alors précisé espérer le voir entrer en compétition officielle. Le délégué général du Festival avait ensuite renouvelé ses vœux dans un entretien accordé à Variety, et ajouté attendre la réponse d’Apple et de Paramount. Les négociations n’auront finalement pas débouché.
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Killers of the Flower Moon sera bien présenté, mais en hors-compétition. Il sera projeté aux côtés de Jeanne du Barry de Maïwenn, d’Élémentaire, la dernière production du studio d’animation Pixar, du blockbuster Indiana Jones et le cadran de la destinée de James Mangold, Dans la toile (Cobweb) de Kim Jee-woon et de la série HBO The Idol. The Hollywood Reporter a dégagé plusieurs pistes d’explication.
Un cas tout sauf inédit
Le magazine américain spécialisé dans le cinéma rappelle que le refus de présenter un film à Cannes n’est pas nouveau. Certain·es cinéastes s’opposent à l’idée même de compétition, qui consiste à comparer des œuvres pourtant très différentes, comme Woody Allen qui, depuis Manhattan en 1979, a toujours présenté ses films hors-compétition et s’en expliquait en 2016 : “Qu’un groupe de gens puisse juger d’autres personnes, c’est quelque chose qu’on ne devrait pas faire… Je n’y crois pas et je ne veux pas y participer.“
Outre ces positions, THR rappelle que dès 1974 le New York Times soulignait que de nombreux·euses cinéastes prestigieux·ieuses pouvaient refuser la compétition pour éviter de repartir bredouille. Si elle apporte davantage de visibilité aux films, ceux-ci peuvent aussi être critiqués plus sévèrement, si bien que certain·es cinéastes et studios préfèrent ne pas prendre le risque de concourir. Par exemple, Tigre et dragon d’Ang Lee avait été présenté hors-compétition, sur les conseils de Tom Bernard à la tête de Sony Classics qui considérait que “la carrière d’un film s’écrit différemment dès qu’il est en compétition. Nous voulions que le public le découvre en dehors de toutes ces considérations.”
Un cinéaste “soit trop arrogant, soit trop effrayé” ?
D’autres cinéastes déjà primé·es, arguent qu’ils et elles veulent laisser la place aux autres cinéastes qui n’ont pas encore été récompensé·es, comme Steven Soderbergh qui avait décliné l’invitation pour Ma Vie avec Liberace, car il avait déjà remporté la Palme pour Sexe, mensonges et vidéo. Mais pour le cinéaste Robert Altman, qui remportait la palme pour M*A*S*H en 1970, cet argument est insuffisant. Il déclarait en 1977 : “Si vous ne voulez pas être en compétition, c’est que vous êtes soit trop arrogant, soit trop effrayé. Vous risquez donc de perdre ? J’ai déjà perdu ; il n’y a rien de mal à perdre.”
Alors ? Martin Scorsese serait-il trop arrogant ou trop peureux pour présenter son film ? Scorsese est pourtant déjà venu présenter ses films à plusieurs reprises au Festival, et a même remporté la Palme d’or en 1976 pour Taxi Driver et le Prix de la mise en scène pour After Hours en 1985. The Hollywood Reporter imagine alors une autre explication possible. Selon le magazine, c’est le succès de Top Gun: Maverick et d’Elvis, deux films présentés hors-compétition qui aurait fait pencher la balance. Deux longs-métrages qui n’ont pas eu besoin d’une sélection en compétition pour bénéficier d’une immense couverture médiatique cannoise, et rencontrer un succès fulgurant dans les salles de cinéma. Dans ces conditions, aucune raison de prendre de risques !
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