Jeune frisson de la techno anglaise, Daniel Avery sort un premier album au charme robotique et contestataire. Pensé pour l’obscurité des clubs, « Drone Logic » met en lumière une certaine idée de l’avenir. Vendredi soir à Paris.
La dernière fois qu’on a vu Daniel Avery sur une scène, c’était au Grand Palais, à Paris, lors d’une soirée organisée par We Love Art autour de l’exposition Dynamo. L’art cinétique était donc à l’honneur et l’in situ, ce soir-là, consistait à sentir le son envahir doucement la nef, décidément trop vaste pour les concerts, en essayant de frôler du doigt les vrombissements, les fluctuations, les idées folles du jeune Anglais. Alors suspendu au-dessus de la foule en effervescence, un énorme mobile de Xavier Veilhan flotte tranquillement. L’ambiance est lourde, la musique futuriste, le public dans un état second : l’histoire ne semble bientôt plus tout à fait réelle.
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Depuis, Daniel Avery a enchaîné les dates françaises pour présenter son premier album. “J’ai davantage joué en France que dans n’importe quel autre pays. Je ne sais pas exactement pourquoi. Je suis toujours très content de jouer ici, il y a une vraie connexion avec le public. Des DJ comme Laurent Garnier et des clubs comme le Rex sont porteurs de tellement d’histoire !” On n’aura pas le cœur de le contredire, même si sa démarche semble se placer dans l’héritage direct de la scène techno anglaise. D’Andrew Weatherall à James Holden en passant notamment par Four Tet, tous ont su apporter leur pierre à l’édifice de cette musique pensée pour la transe et la subversion, devenue temple et institution dans un pays où même le punk s’expose désormais au musée.
Daniel Avery, à son tour, continue donc de transcender le savoir-faire local en peignant de quelques touches de psychédélisme sombre, de shoegaze envoûtant et de krautrock hypnotique sa culture acid-house et techno minimale. Soit un monde où le refus de l’ordre et l’incitation à la folie font office de tradition. “La musique n’a jamais été une rébellion. Mon père est un grand fan de musique. Chez nous, c’est lui qui augmentait le volume de la chaîne ! Pendant mes études littéraires à la fac, la musique n’était pour moi qu’un hobby. Ça n’a jamais été dans mes plans de m’impliquer comme je le fais aujourd’hui. J’ai travaillé assez longtemps chez un disquaire, à Londres, qui a fermé il y a deux ou trois ans. Ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai décidé de ne pas chercher un autre travail et de me consacrer pleinement à la musique. Je commençais à trouver le son qui me correspondait. Je sentais que j’avais enfin quelque chose à offrir.”
C’est aussi à cette époque que Daniel Avery rencontre un de ses DJ préférés, héros de son adolescence : Erol Alkan. Le rêve continue quand ce dernier lui propose de signer sur son label, le poussant par la suite à rassembler ses idées sur une poignée d’ep annonciateurs de la tempête à venir. Construit lentement – comme une œuvre en soi, jamais comme un empilement de sons prêts à l’emploi dans les clubs –, le premier album de Daniel Avery nous est ainsi livré cet automne, à l’heure des paysages gris et des ciels intranquilles.
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Il y a donc de l’électricité dans l’air à l’écoute de ces douze morceaux réunis autour d’un concept au titre explicite : Drone Logic, c’est une réflexion sur ce qu’est une vibration, un tremblement sonore, la possibilité même de penser un bruit en termes de texture et de matérialité. Daniel Avery l’assure fermement, les drones dont il est ici question n’ont rien à voir avec ces engins volants en voie de multiplication, pilotables à distance et porteurs des meilleures idées comme des pires. Et pourtant, Drone Logic a ce charme métallique et moderniste, cette hauteur de propos presque posthumaine. Tout semble ici conçu pour attendre (ou accompagner) le soulèvement des machines, et poser sur ce qui restera de nos émotions les bases d’une sensibilité nouvelle. “Je suis très fier de l’héritage musical britannique, mais toute la musique que j’aime vraiment a l’air de venir du futur. C’est quelque chose que j’ai voulu reproduire. Je voulais faire de cet album un voyage – un voyage vers un autre monde.”
On risque de ne pas en revenir. Du possédé Water Jump au presque ambient Simulrec, de Platform Zero et ses sonorités d’outre-tombe (d’outre-monde) aux coups de nerfs plus tapageurs de Need Electric, c’est une vision complète de l’avenir qui se dessine en creux, avec ses zones de flou et ses tressaillements perpétuels. A certains moments, sur ce manifeste qu’est These Nights Never End, on croit même entendre un robot pleurer. C’est bouleversant.
DJ-set Phantasy Night, vendredi 22 novembre à Paris (Trabendo), avec Erol Alkan, Get A Room! et Pedro Winter
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