Six ans après, la suite de “Breath of the Wild” est un nouveau chef-d’œuvre du jeu vidéo.
“C’était une nuit merveilleuse pour dormir paisiblement sous les arbres pleins de murmures. […] Après avoir passé l’hiver dans les bois nocturnes, je ne pouvais plus me livrer à la méditation entre quatre murs. […] J’avais besoin d’entendre les mille petits bruits des oiseaux et des animaux sauvages, sentir monter le souffle de la terre avant de me trouver à l’unisson avec tous les êtres vivants, vivant moi-même, vide et déjà sauvé.”
Ces mots de Jack Kerouac (dans Les Clochards célestes), on pourrait presque les attribuer au héros taiseux de la saga Zelda dont, six ans après Breath of the Wild, le superbe nouveau volet Tears of the Kingdom est enfin là. Presque, et plus que jamais.
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Jeu de (re)construction
Il y a ces montagnes et ces plaines, cette plage sur laquelle on débouche au bout d’une caverne, l’orage qui tonne, un renard qui s’enfuit et cette musique si discrètement juste qui évolue avec le temps (qui se couvre, qui s’écoule) et les événements. Plus tard, c’est une rencontre impromptue avec une troupe d’artistes, un·e aventurier·ère solitaire, une fée géante ou un petit être de la forêt qui supplie : “Je veux rejoindre mon ami…”
Ouvert sous le signe de la cassure (une aventure brutalement stoppée en introduction) et de la soustraction (le héros perd un bras par la même occasion), Tears of the Kingdom est d’abord un jeu de (re)construction, un Breath of the Wild démonté pour être mieux recréé sous une forme plus ample, complexe et majestueuse. Cette fois, le monde (ouvert) se révèle d’ailleurs triple et on ne tarde pas, euphorique et tremblant, à naviguer entre le ciel, la terre et son sous-sol.
Encyclopédiste et cartographe
La construction s’installe également au cœur de l’expérience d’une manière très littérale, avec le pouvoir qui nous est offert d’assembler planches, pierres et accessoires divers afin de bricoler des structures et véhicules bien utiles pour triompher des pièges et énigmes du jeu. Le principe, là, est qu’il n’existe jamais une solution unique à un problème et l’un des grands plaisirs est d’en inventer une, improbable, bancale et pourtant efficace, que les auteurs n’auraient sans doute pas imaginée.
Ce pourrait n’être qu’une (stimulante) idée de game design. C’est plus profondément un signe du rapport éminemment concret que le jeu nous invite à entretenir avec son univers, dont l’autre face est une joyeuse quête de savoir. Promu encyclopédiste et cartographe, on consacre ainsi une énergie considérable à documenter le royaume en ruines et pourtant plein de vie d’Hyrule, qui se donne moins à conquérir qu’à connaître et à aimer. Un projet esthétique et philosophique, donc, autant que (prodigieusement) ludique pour ce jeu qui, par bonheur, paraît longtemps sans fin. “La nuit était pourpre et le cri du silence ressemblait à une cataracte de diamants qui pénétrait comme un liquide dans nos oreilles, écrit ailleurs Kerouac. On pouvait y puiser la paix pour mille ans.”
The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom (Nintendo), sur Switch, environ 70 €
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