Coup de tonnerre : l’émission mythique de Bernard Lenoir disparaît brutalement de la nouvelle grille de France Inter. Révérence à la référence du rock à la radio.
On avait beau s’y préparer depuis plusieurs années, avec à chaque fois un doute inquiétant sur la reconduction de l’émission qui accompagnait les fins de saison, le choc est encore plus violent qu’on ne l’imaginait. Le 25 août, on se prend en pleine figure un mail groupé de la newsletter de C’est Lenoir :
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“Entre musique pas comme les autres et vie au grand air, j’ai enfin choisi. Merci pour ces longues années de complicité et de soutien indéfectible. Cela ne sera pas facile de vivre sans ce rendez-vous quotidien. Vous me manquerez. Caresse et bise à l’oeil.”
Ou plutôt, tristesse et larme à l’oeil. Reconnaissons-le : après avoir écouté religieusement cette émission depuis un nombre incalculable d’années, sans en rater une seule grâce aux podcasts, et assisté à un nombre assez inavouable de Black Sessions, ceci est une des plus tristes nouvelles de la rentrée.
Education musicale
Infiniment plus qu’un simple présentateur radio, Bernard Lenoir incarne pour beaucoup un pilier du service public. Combien de coups de foudre musicaux grâce à sa sélection minutieuse ? Avec une passion militante intacte, ce passeur a construit l’éducation musicale de plusieurs générations d’auditeurs aujourd’hui désemparés.
“J’ai été très touché, confie-t-il, voire même bouleversé, par ces milliers de témoignages de sympathie qui continuent d’arriver. Ils parlent de tout sauf de musique, plutôt de ce compagnonnage au long cours.”
Bernard Lenoir a lui-même vécu cette relation de l’autre côté du miroir quand il écoutait Le Pop-Club de José Artur, déjà sur France Inter. “J’ai compris que mon ambition était de consacrer mon temps à la musique, faire partager des goûts à des auditeurs. C’est à cette époque-là, vers 1965-1966, que j’ai fait un premier pas en direction de la radio.” Au début des années 1970, il devient programmateur musical du Pop-Club, ainsi que de trois émissions présentées par Patrice Blanc-Francard (Souvenirs, Souvenirs, Cool et Bananas), toujours sur Inter.
Le concept fabuleux des Black Sessions
Après avoir refusé de présenter sa propre émission en 1973, il a l’excellente idée de changer d’avis cinq ans plus tard en prenant les rênes de Feedback, consacrée au rock du moment, de Depeche Mode à Joy Division. Il passe par la case télévision dans les années 80 avec Rockline, intégrée dans Les Enfants du rock et dédiée à l’actualité du rock anglais. Après une parenthèse sur Europe 1, il fait son grand retour sur France Inter en 1990 et donne naissance au fabuleux concept des Black Sessions : des concerts diffusés en direct, en public, depuis un studio de la Maison de la radio – au total 330 sessions.
Après des années de péripéties (menace de disparition de l’émission, changements d’horaires, changement de nom, de L’Inrockuptible à C’est Lenoir…), le mystère plane tout l’été jusqu’au coup de massue qui annonce la fin des sessions. En refusant de la décaler à un créneau pour insomniaques, sans la collaboration de sa fidèle réalisatrice Michelle Soulier, il quitte son activité à France Inter.
Ne pas en déduire pour autant qu’il prend sa retraite – soupir de soulagement. Il évoque notamment la possibilité de démarrer un blog pour continuer cette sélection de nouveautés.
“Je n’ai pas envie d’aller m’asseoir sur un banc pour regarder la mer tous les jours. Bien sûr que je veux continuer de faire de la radio, avec plaisir. Dès demain. Je suis malade d’arrêter. La mort dans l’âme, je suis obligé de tourner cette page, mais j’espère revenir à la radio bientôt.”
On brûle déjà d’impatience de retrouver ses découvertes musicales inouïes, ses caresses et ses bises à l’oeil.
Noémie Lecoq
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