Compagnon de route du Palmashow, habitué des collaborations sur internet avec Golden Moustache, le comédien déjà passé par Canal Plus se lance en son nom sur YouTube après de trop longues années passées au second plan. Rencontre avec un futur grand des bonnes vieilles comédies françaises.
« Mais qui est Julien Pestel ? », pourrait s’intituler ce papier. Réaction logique à l’évocation d’un nom trop peu souvent associé à son visage, pourtant bien plus reconnaissable. Éléments de réponse dans le teaser de sa chaîne YouTube : « C’est marrant, vous ressemblez à Jean Dujardin, mais en plus gros« . Julien Pestel aurait tort de se cacher de la comparaison que beaucoup font autour de lui. Une comparaison de laquelle il s’amuse, et qu’il tient d’un de ses premiers projets en vidéo, adapter l’intrigue de certains films à la région dont il est originaire : le Limousin. Ainsi naquit OSS 187 et la fausse bande-annonce de Limoges ne répond plus.
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Mais que ce soit par modestie, ou pour ne pas rester éternellement celui qui voulait être calife à la place du calife, le comédien gomme petit à petit toutes les mimiques et répliques apprises et travaillées pour l’occasion, en s’inspirant de films ou d’épisodes d’Un Gars, Une fille : « C’est resté un peu. J’essaye de l’atténuer maintenant, parce qu’on m’en a trop parlé. Mais c’est aussi pour ça que j’y fais référence dans le teaser de ma chaîne YouTube« .
« Mais si, c’est ce mec qui joue avec le Palmashow »
Après avoir quitté Limoges, sur les conseils de Kyan Khojandi, pour venir s’installer à Paris. Julien Pestel retrouve deux connaissances du milieu, Grégoire Ludig et David Marsais du Palmashow. Son arrivée au milieu du duo en 2011 lors de la seconde saison des Very Bad Blagues pour incarner le rôle du troisième mousquetaire dans un sketch sur la résistance marque le début d’une série d’apparitions de plus en plus importantes à l’écran, qui aboutit en 2016 à sa première au cinéma, toujours sous la direction de Jonathan Barré, dans La Folle Histoire de Max et Léon.
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« C’est assez marrant, parce qu’avec ce rôle, la boucle est bouclée. J’ai commencé aux côtés du Palmashow en jouant un résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, et je me retrouve cinq ans plus tard avec eux au cinéma dans un film qui se déroule pendant la même guerre. Même si je ne joue pas tout à fait un résistant (rires). »
Au sein de l’équipe, qui s’étoffe petit à petit, il est le mec banal dans un univers absurde. Le point de fixation du réel, comme dans le sketch Quand ils prennent cher, où ses deux acolytes partent en vrille sous ses yeux pendant qu’il tente vainement de garder la situation sous contrôle. Son humour, basé sur des intonations très travaillés et caricaturales, et un sens pointu du surjeu dans ses mimiques, et celui du duo Marsais/ Ludig s’entendent bien. Julien Pestel prend de plus en plus de place dans les sketchs du Palmashow tout en restant à la sienne.
« Au début, même s’ils m’aimaient bien et me faisaient confiance, on y allait par petites touches. Mais dès le premier jour, on a senti qu’on était dans la même rythmique, la même énergie, les mêmes références, les mêmes conneries aussi. Moi je me permettais d’improviser, eux ça les faisait marrer, et on finissait par garder de plus en plus de trucs. Le « geste fort » que je sors par exemple dans le sketch des résistants, c’était pas écrit, et finalement aujourd’hui c’est sur la pochette du DVD. Maintenant on est des amis, et on se voit même plus en dehors des tournages que sur les tournages. »
Des personnages de plus en plus complets et déjantés
Avec des rôles de plus en plus consistants, Julien Pestel développe aussi son univers, et des personnages au caractère de plus en plus marqué, « soit la victime, soit le connard, soit le mec complètement insupportable« . Dans le petit monde des sketchs sur le web, ses connaissances et son talent lui permettent de naviguer et d’apparaître dans plusieurs projets en parallèle. Jogging Chaussettes en 2012, web-série jamais terminée dans laquelle il partage l’affiche avec son grand pote et ancien coloc Ludovik, Roll Shaker en 2013, où il retrouve Pierre Secondi, ami et ancien camarade de classe, à l’écriture et à la réalisation, une expérience à Canal Plus dans la pastille Pendant ce temps, dans un univers parallèle, et plusieurs apparitions remarquables dans les sketchs du Golden Moustache. Roll Shaker, prolongement logique de ses premières activités de comédien amateur à Limoges, lui permet de détourner films et personnages cultes, et d’exprimer sa passion pour le cinéma en jouant à l’espion, au flic ou au cow-boy.
« J’aime beaucoup jouer le mec très classe, l’espion par exemple, mais drôle, avec un côté très anglais et un humour pince-sans-rire, mais aussi des mecs complètement pétés, fous furieux. L’entre-deux, le personnage héros, beau gosse et premier degré, j’aurais plus de mal à l’assumer. Après, j’ai déjà joué des rôles premier degré et sérieux. C’est peut-être pas là où je suis le plus à l’aise, mais je travaille. A la fin de chaque prise, faut que je sorte une connerie par contre, au moins pour l’équipe, pour désamorcer. »
La collaboration avec Pierre Secondi comme fil rouge
Au fil des collaborations, Pierre Secondi devient son Jonathan Barré (réalisateur du Palmashow) à lui, compère d’écriture qui l’accompagne et le recadre : « Comme on se connaît depuis longtemps, on n’hésite pas à se dire les choses en face, et à revenir dessus, tout va beaucoup plus vite avec lui« . Plusieurs projets se montent, dont le 48h Film Project à Paris, et plusieurs courts métrages. Et lorsque vient l’heure de se lancer en son nom sur YouTube, faire appel à Pierre Secondi est une évidence.
Celui-dont-on-connait-la-tête-mais-pas-le-nom aura donc attendu 2017 pour enfin associer son patronyme à son visage dans l’esprit des gens, avec une chaîne YouTube personnelle : « Ça me trottais dans la tête depuis cet été. A la base, ça devait même pas être une chaîne Julien Pestel. Mais au fur et à mesure que les choses avançaient, je me suis dit que quitte à paraître égocentrique, il faut que je développe ma gueule. Et quand j’ai proposé l’idée à Pierre, il a tout de suite approuvé. Et c’est là que je me suis vraiment rendu compte de l’attente des gens, tous ceux avec lesquels j’ai travaillé, qui m’envoyaient des messages, « enfin tu te lances ! ». Si j’avais su, je l’aurais fait plus tôt !« .
Se faire un nom, un besoin plus qu’une envie
Se faire un nom est une nécessité pour percer dans le cinéma, qui reste quoiqu’il arrive son objectif. Élevé aux films de Louis De Funès (« Quand j’étais petit, ma mère finissait par se fâcher parce que je passais mon temps à imiter ses grimaces, même à table !« ), grand amateur d’histoire et d’archéologie, de films de science fiction (« Il faut absolument que j’aille voir Premier Contact !« ), amoureux de Christian Clavier au point d’avoir tout fait pour tourner dans Les Visiteurs 3 (sans succès et c’est peut-être tant mieux), Julien Pestel ouvre avec sa chaîne YouTube un laboratoire qui doit à la fois lui permettre de tester de nouvelles choses, mais aussi lui servir de carte de visite.
Comme porte d’entrée, Pestel et son équipe choisissent The Big Night, récit very bad tripesque d’une soirée entre potes qui tourne au massacre, accompagné d’un making of et d’un bêtisier. Un court métrage d’une quinzaine de minutes qui ne part de rien (« ça nous faisait rire avec Pierre d’imaginer une scène où un mec serait avec une fille, il sent qu’il va pouvoir conclure, mais il avait pas prévu ça alors il file en douce dans la salle de bain pour se laver la teub dans le lavabo. Après ça fait léger comme scène, fallait une histoire autour (rires). Du coup on est partis de ça« », la scène ne dure que 15 secondes) et dans lequel se dessinent un peu mieux les contours de l’humour Pestel/Secondi, un peu plus trash, avec d’autres influences, The Big Lebowski et Breaking Bad, symbolisées par le rôle que tient Jérôme Lenôtre et toute la seconde partie du sketch qui donne la dimension sombre au récit.
Retour en Belgique ce soir pour le tournage d'une série. Le cuir met clairement en valeur mon anatomie déjà fort avantageuse. pic.twitter.com/lCRBL5Efqm
— Julien Pestel (@JulienPestel) January 29, 2017
Un amoureux des comédies françaises
Clown multifacette, Julien Pestel enchaîne les tournages et les virées chez Ikea (« Faut que je passe m’acheter un matelas, j’ai le dos en compote« , lâche-t-il à la fin de notre entretien, lui qui est en train de courir partout et qui ne dort que très peu à Paris.) et compte bien repointer sa tête au cinéma au plus vite. Si la vague de talents issus de YouTube, Golden Moustache, Studio Bagel and co, doit envahir les productions françaises dans les années à venir, il sera là pour la surfer. D’autant qu’il voit les comédies françaises se renouveler un petit peu ces dernières années :
« Il y a un renouveau depuis 2-3 ans. Avec l’équipe de Philippe Lacheau, des films comme Babysitting, Alibi.com, même La folle histoire de Max et Léon, tout ça c’est des gens qui ont la trentaine, qui ont envie de revenir à des comédies bien drôles, alors qu’on sort d’une période un peu molle. Et ça vient pas forcément que d’internet, c’est juste que maintenant, les gens qui accèdent au cinéma ont eu accès à beaucoup plus de trucs que les générations d’avant. Tout ce qui se fait sur le net, mais aussi les films américains. Et avec plus de références, on est capable de faire des films plus riches. »
Ne reste plus maintenant à Julien Pestel qu’à se faire un nom. Avec un court-métrage par mois, et une communauté qui grandit petit à petit et va bientôt atteindre 20 000 abonnés en seulement quelques semaines, le « Dujardin en plus gros » du net rêve grand et bosse dur. Et qui sait, dans 10 ans, si un jeune comédien ne lancera pas sa chaîne YouTube personnelle en plaçant cette petite référence : « C’est marrant, vous ressemblez à Julien Pestel, mais en plus mince » ?
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