A moins de quatre mois de l’élection présidentielle, personne ne connaît encore vraiment les propositions d’Emmanuel Macron. Chez les militants d’En marche ! il se murmure que l’élaboration du programme aurait pris du retard. Que contiendra alors ce projet ? Pronostics.
« Quand Emmanuel aura un programme, je le commenterai. Pour l’instant, je n’ai rien vu », déclarait François Fillon début janvier sur le plateau de TF1. Et depuis ? Rien de neuf sous le soleil. L’ancien ministre de l’Economie n’a toujours pas divulgué son programme et du retard aurait été pris dans son élaboration. « Nous présenterons le cadrage budgétaire fin février et l’intégralité de nos propositions début mars », a indiqué sur Twitter, lundi 30 janvier, Richard Ferrand, député socialiste du Finistère et secrétaire général d’En marche !.
https://twitter.com/RichardFerrand/status/826005960355373056?ref_src=twsrc%5Etfw
« Quatre cents experts planchent sur le programme », révèle Le Monde, sous la direction de l’économiste Jean Pisani-Ferry, qui a rejoint le mouvement début janvier. Au total, trois cents mesures seront proposées au candidat. Le quotidien révèle alors que “du retard a été pris dans l’élaboration du programme et les équipes d’En marche ! ont été invitées à redoubler d’efforts”. L’agenda de M. Macron a même été allégé ces dernières semaines afin de pouvoir travailler dessus et tenir les délais. Il a en effet annulé sa visite au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, vendredi 27 janvier.
Selon les informations du Monde, il aurait demandé à son équipe de bâtir un programme « qui ne soit pas uniquement concentré sur les cent premiers jours du quinquennat ». Un parlementaire confie même qu’il « est persuadé d’être le prochain président », et que donc il « ne veut pas que ça flotte, comme avec Hollande en 2012, il a trop vu les dégâts que cela pouvait causer ». Un projet en tout cas très attendu, à droite comme à gauche. Voici en tout cas ce que l’on sait, pour le moment, des orientations d’Emmanuel Macron.
Travail
« Macron dévoile enfin son programme » titrait en une L’Obs le 10 novembre 2016. Une longue interview où, pour la première fois, le benjamin des candidats à la présidentielle dévoile certaines de ses propositions. Parmi celles-ci, plusieurs concernent l’emploi. Pour Emmanuel Macron, les jeunes veulent travailler davantage, tandis que les plus âgés doivent travailler moins. C’est pourquoi il met en avant une durée hebdomadaire qui dépendrait de l’âge.
« Il faut s’adapter aux individus. On peut ainsi imaginer que les branches professionnelles négocient une possibilité pour les salariés qui le souhaiteraient de travailler moins à partir de 50 ou 55 ans : 30 heures, 32 heures, ce n’est pas long. Il faut donc plus de souplesse, plus de flexibilité », détaille-il.
Il souhaite ainsi la fin des 35 heures pour les jeunes :
« Quand on est jeune, 35 heures, ce n’est pas assez. On veut travailler plus, on veut apprendre son job. Et puis, il y a un principe de réalité. Un entrepreneur raisonne ainsi : ce jeune n’est pas qualifié, je veux bien l’embaucher mais il va apprendre son job en entrant dans mon entreprise, donc il faut qu’il effectue davantage d’heures « , explique-t-il sans pour autant indiquer si en travaillant plus, ces jeunes actifs gagneront plus.
En ce qui concerne le régime des retraites, Emmanuel Macron table sur la flexibilité. En fonction des types d’emplois et des situations personnelles, les salariés pourront prendre leur retraite « à 60 ans, à 65 ans ou à 67 ans » :
« Il faut pouvoir moduler selon les individus et les situations. Si on se contente d’appliquer des critères de pénibilité de manière arbitraire, on ne fera que recréer des régimes spéciaux. »
Emmanuel Macron prévoit également d’indemniser les travailleurs indépendants et les auto-entrepreneurs.
« Nous devons donner des droits nouveaux et rentrer dans une logique beaucoup plus transparente, qui ne sera plus pensée en fonction de la durée et du montant des cotisations, mais qui protégera des aléas de la vie professionnelle ceux qui aujourd’hui ne sont pas couverts. En particulier ceux qui sont au régime de la microentreprise ou les indépendants », déclare-t-il dans les colonnes de L’Obs.
Dans son livre, Révolution, paru le 24 novembre (Ed. XO), le chef de file d’En marche ! explique que, en ce qui concerne le financement des indemnisations pour les demandeurs d’emploi, les salariés qui ont démissionné et les indépendants, « son mécanisme d’assurance chômage (…) ne serait plus financé par les cotisations sociales mais par l’impôt ». Une gestion assurée par l’Etat, donc. « Le combat sera rude, car cela fâchera ceux qui vivent du système », écrit-il à propos des potentielles oppositions syndicales. Il souhaite ainsi que l’Etat gère lui-même l’Unédic.
“Il est hypocrite de prétendre que l’assurance-chômage est encore un système paritaire : ce régime est en déficit permanent (…) et c’est l’Etat qui en garantit in fine l’équilibre financier (…) Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités et gère lui-même l’Unedic. Car il n’y a rien de pire qu’un système où celui qui décide n’est pas celui qui paie », explique-t-il à L’Obs.
L’ancien ministre de l’Economie s’est également opposé au revenu universel, mesure phare du programme de Benoît Hamon. Soulignant le risque de « s’installer dans le financement durable d’un chômage de longue durée ». Il souhaite aussi conserver la loi travail, voire aller plus loin.
Education
L’éducation – « mère des batailles », selon lui – apparaît comme un thème important dans les propositions de Emmanuel Macron. S’il arrive au pouvoir en mai 2017, il prévoit d’instaurer l’autonomie des établissements dans le primaire. Il faut « beaucoup plus de moyens et beaucoup plus d’autonomie. Il faut arrêter de saupoudrer et assumer d’y investir de façon différencier », martèle-t-il auprès de L’Obs.
Il indique également vouloir que les professeurs soient « beaucoup mieux payés » et « reconnus ». Dans le but de faciliter la mixité sociale, le candidat à la présidentielle prévoit aussi de réformer la carte scolaire. Et souhaite introduire un système de sélection à l’université à l’entrée en master.
Sécurité
Dans le chapitre 13 de son livre Révolution, intitulé « Protéger les Français », Emmanuel Macron affirme vouloir une sortie rapide de l’état d’urgence. Il promet aussi la reconstruction de renseignement territorial en créant une cellule centrale de traitement des données informatiques, similaire aux modèles britannique et américain.
Culture
Vendredi 27 janvier, invité de France Culture, l’ancien ministre de l’Economie a proposé d’instaurer un « pass culturel » dans lequel 500 euros seront offerts à tous les jeunes le jour de leur 18 ans, grâce auquel ils pourront acheter des livres ou se rendre à différents événements culturels.
Emmanuel Macron prévoit de financer une partie du pass par l’Etat « pour une partie très minoritaire », ainsi que les grandes industries numériques (Google, Apple, Facebook, Amazon).
Immigration
Sur la question des demandeurs d’asile, Emmanuel Macron se positionne en faveur d’une politique d’accueil plus souple. En visite à Berlin au début du mois de janvier, le candidat a salué la position d’Angela Merkel en Allemagne et a indiqué que c’était aussi un « devoir » pour la France. Il s’est dit prêt à « rouvrir (le sujet) » des accords de Dublin, qui laissent le soin aux pays de première arrivée dans l’Union européenne de prendre en charge les demandeurs d’asile.
Construction européenne
Dans le chapitre 15 de son livre, « Refonder l’Europe », Emmanuel Macron explique être favorable à un budget européen qui permettrait de financer des investissements communs, et à la désignation d’un ministre des Finances de la zone euro. Le candidat semble opposé à la règle des 3 % de déficit imposée par Bruxelles. En revanche, il soutient le CETA, et a critiqué la Wallonie lorsqu’elle a tenté de poser son veto.
Politique étrangère
Lors de sa récente visite au Proche-Orient, Emmanuel Macron a indiqué qu’il refusait de s’exprimer sur la reconnaissance de la Palestine en tant qu’Etat tant qu’un accord de paix ne serait pas conclu.
Dans Révolution, il dresse un bilan critique de la France qu’il juge engagée sur un trop grand nombre de terrains de guerre. Il souhaite alors que toutes ces interventions armées se fassent uniquement dans le cadre de résolutions de l’ONU.
Environnement
En matière d’environnement, Macron insiste sur l’importance de la compatibilité des énergies renouvelables et d’une énergie nucléaire, « un choix d’avenir », selon lui. Il est également favorable au diesel, qui serait « au cœur de la politique industrielle française » et du « projet industriel français de la mobilité environnementale ». « L’avenir du diesel passe par l’innovation », a-t-il déclaré en aout 2016, alors qu’il était encore ministre.
Concernant Notre-Dame-des-Landes, il prévoit la poursuite du chantier, s’appuyant sur « le respect du référendum ».
Cannabis
Dans Révolution, le candidat d’En marche ! indique être favorable à « une dépénalisation de la détention en petite quantité du cannabis afin de désengorger les tribunaux ».
Santé
En meeting à Nevers, le 6 janvier dernier, Emmanuel Macron a exprimé certaines de ses positions en matière de politique de santé. Il a alors promis le remboursement à 100 % des lunettes, et des prothèses dentaires et auditives, d’ici 2022. Une mesure qui serait financée grâce à une réduction des coûts. Il a également indiqué vouloir fixer comme « objectif national que la génération qui naît aujourd’hui soit une génération sans tabac ». Une idée qui a amusé Marisol Touraine, étant donné qu’elle l’avait déjà formulé en 2014.
Emmanuel Macron prévoit aussi de lancer une étude sur la généralisation du tiers payant, une réforme de François Hollande fortement décriée par les médecins généralistes. Comme le rappelle le Huffington Post, parue fin décembre 2016, une étude Odoxa révélait que 73 % des Français se disent contre la suppression du tiers payant généralisé.
Il reste encore de nombreux points à clarifier pour faire d’En marche ! un véritable projet politique en vue de la présidentielle. Rendez-vous fin février donc.