Surmontant la déception d’être arrivé second, l’ex-Premier ministre a, dès le soir des résultats, attaqué frontalement son adversaire. Mais, pour bon nombre de ses partisans présents au QG, le cœur n’y est déjà plus.
“On n’est pas sorti de l’auberge !” Il n’est pas encore 20 heures ce dimanche 22 janvier, mais l’exclamation d’une sympathisante PS à la voix rauque résonne dans la salle. Au premier étage de la Maison de l’Amérique latine, l’anxiété commence à poindre sur les visages des soutiens de Manuel Valls. Alors que l’ex-Premier ministre était en tête des intentions de vote dans les sondages, la rumeur annonce qu’il n’arriverait qu’en seconde position, derrière Benoît Hamon, l’homme que personne n’attendait.
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En service commandé, Didier Guillaume, directeur de campagne de Manuel Valls et chef de file des sénateurs PS, se présente devant les caméras et défend la ligne politique de son candidat, confiant. Mais il concède : “Un bon résultat, c’est d’être au second tour.”
“L’écart est serré, c’est rattrapable”
Au milieu de la salle remplie de journalistes – près de deux cents ont été accrédités –, un jeune militant se ronge les ongles, les yeux rivés sur son smartphone. La soirée s’annonce moins triomphale que prévue. D’un côté de la pièce, une tribune surmontée de son slogan “Une République forte, une France juste” attend Valls. Aux murs, aucune affiche de campagne. Seules deux télévisions retransmettent en direct BFM-TV. Ironie du sort, les télécommandes des écrans ont disparu. Au moment de l’annonce, la foule s’agglutine, fébrile, et découvre les résultats.
Le premier chiffre tombe : 31 %. Manuel Valls est devancé de cinq points par son éphémère ministre de l’Education nationale. “Je suis soulagé, c’était un peu angoissant”, lâche Antoine, 22 ans, qui arrête de se ronger les ongles. “L’écart est serré, c’est rattrapable”, s’enthousiasme un autre. Mais les adeptes de la méthode Coué ne sont pas légion.
Lorsque Arnaud Montebourg annonce son soutien à Benoît Hamon, c’est l’abattement. Les vallsistes tentent malgré tout de relativiser la nouvelle : ses 18 % ne sont pas acquis à Benoît Hamon. “Les socialistes sont des électrons libres”, professe Jean-Michel, un sympathisant PS, pour qui les divergences de fond entre les deux frondeurs joueraient en faveur de son candidat.
“Le choix entre la défaite assurée et la victoire possible” Manuel Valls
Il est 21 h 40 quand Manuel Valls fait enfin son entrée sur la tribune, sous des applaudissements nourris et salué par des “Manuel, Président !” et “On va gagner !” Dans un discours d’une dizaine de minutes, il attaque frontalement son rival. Le ton est donné, la semaine sera très tendue : “Un choix très clair se présente désormais à nous, et à vous. Le choix entre la défaite assurée et la victoire possible, le choix entre des promesses irréalisables et infinançables et une gauche crédible qui assume les responsabilités du pays.” Crédibilité, le mot est lancé. Il revient sans cesse dans la bouche des militants : “Hamon assis à une table face à Poutine et Trump, j’ai du mal à imaginer ce que ça pourrait donner”, tacle l’un d’entre eux.
A la tribune, Manuel Valls souligne la fracture irréconciliable entre les deux gauches – celle qu’il a lui-même théorisée il y a un an. La ligne “responsable”, présidentiable, qu’il incarne et celle de son rival, comme lui disciple de Rocard, sont fondamentalement incompatibles.
L’ex-Premier ministre se place dans la lignée de Mitterrand, Rocard et Jospin et fracasse les propositions de Benoît Hamon. En premier lieu le revenu universel : “Je veux une société du travail, proclame-t-il. Je ne crois pas à une fin du travail, je ne crois pas au revenu universel au coût exorbitant.”
La théorie de la réconciliation a vécu
Autre point de rupture : la laïcité. Dans un passage de son discours particulièrement applaudi, Manuel Valls se pose en garant du principe républicain. L’angle d’attaque est tout trouvé et sera sans doute au cœur du dernier débat de la primaire ce mercredi 25 janvier.
Chez ses soutiens, on espère que la joute d’entre-deux tours lui sera favorable. Dans l’ombre, certains annoncent même un “duel sanglant” entre l’ex-frondeur et l’ex-chef du gouvernement. La théorie de la réconciliation a vécu.
Mais dès la fin du discours de Valls, sous les lustres, l’optimisme se craquelle déjà. Il y a bien l’espoir qu’une nouvelle dynamique se crée avant le second tour autour de l’ex-Premier ministre. Mais “ça se complique”, concède, lucide, Jean-Michel. Les chiffres ne jouent pas en sa faveur. Dans un coin de la salle, on ironise : “Sylvia Pinel appelle à voter Manuel Valls. Hop, deux points de gagné !”
“Je ne voterai pas Hamon” Une trentenaire, soutien de Valls
Mais une certitude reste partagée : si “Manuel” n’est pas désigné à l’issue de la primaire, ça s’annonce difficile pour le PS en mai. Alors, pour qui voter ? Chez les plus anciens, la fidélité au parti prime : s’il le faut, à contre-cœur, ils voteront Hamon. Mais chez les jeunes militants, la pilule est plus difficile à avaler. “Je ne voterai pas Hamon, tranche une trentenaire, pull et chaussures vertes flashy. Il plane totalement. Son programme, c’est celui d’un mec qui n’a jamais gouverné.” Sans hésitation, ce sera Macron.
Se jouent déjà les prémices d’une probable prochaine guerre interne. Moins d’une demi-heure après la fin du discours de Manuel Valls, la tribune est démontée, la salle quasiment vide. Sur une table traînent quelques pancartes “Valls 2017”. Ce soir-là, aucune n’a été brandie.
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