Dans son “Celle qui parle aux corbeaux”, prix Miles-Franklin 2019 (le plus prestigieux en Australie), Melissa Lucashenko dresse le portrait plein de force d’une famille aborigène en quête de justice. Puissant.
Le livre commence par une mise en garde. Pour celles et ceux qui décideraient de trouver que Melissa Lucashenko va trop loin, elle nous prévient : toutes les violences décrites sont réelles et ont frappé des membres de sa famille. Son roman, qu’on le veuille ou non, est ancré dans le réel. Et de violence il est abondamment question dans le sixième roman de l’autrice bundjalung, originaire de la côte est de l’Australie. La famille aborigène dont elle raconte l’épopée, les Salter, porte en elle les marques de la pauvreté dans laquelle elle vit : addictions, disparitions, violences intra-familiales, conflits armés… Et attaques racistes dont ils et elles sont victimes.
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Dans ce contexte, c’est avec regret et appréhension que l’héroïne du roman, Kerry, monte sur sa Harley pour retrouver ce cocon de violences de Nouvelles-Galles du Sud. Elle doit assister aux funérailles de son grand-père et se retrouve bientôt à tenter d’empêcher la construction d’une prison sur les terres de ses ancêtres.
Force et colère
La prison vient cristalliser toutes les grandes thématiques du roman. Les Salter veulent récupérer leur liberté et leur agentivité en se battant pour leurs terres. Mais ils veulent aussi résister au symbole de pouvoir que représente l’institution pénitentiaire. La petite amie de Kerry, qui a pris pour cinq ans de prison pour un vol, flotte comme une ombre qu’il faut venger. Pour les Salter, il est temps de faire enfin payer l’Australie blanche pour le crime originel : le vol des terres aborigènes par les colons.
Celle qui parle aux corbeaux n’est pas un conte feel good sur la spiritualité aborigène, la sacralité des terres ou sur le pardon. S’il est question de spiritualité et d’héritage familial, il est aussi et surtout question de force, de colère et de vengeance. Avec une langue fascinante mélangeant argot et termes aborigènes, l’autrice vient arracher au trauma un véritable espoir plein d’un élan révolutionnaire. Et en tire une énergie qui, sur plus de 400 pages, ne faiblit jamais.
Celle qui parle aux corbeaux (Seuil) traduction de l’anglais (Australie) par David Fauquemberg. En librairie le 14 avril.
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