La Winter Family nous plonge dans la frénésie du monde et de ses avatars virtuels, avec Steve Jobs dans le rôle de Dieu. Un spectacle déjà présenté au festival d’Avignon, accueilli par la Gaîté Lyrique durant deux jours dans le cadre du festival Lanceurs d’alerte.
Saturation d’images, multiplication des écrans, prolifération des voix off, du live, surtitres, infos, conférence… No World/FPLL se veut une ode à “la beauté du monde est telle que nous le partageons : lisse, démocratique, sucré, multiculturel, blanc et saturé”…
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Après un générique qui défile en boucle sur fond de film d’animation féerique, tendance Disney, Ruth Rosenthal introduit son propos par une monumentale inversion cognitive : avec Steve Jobs dans le rôle de Dieu, en reprenant les codes des conférences TED, elle nous présente le dernier-né de leurs produits : le monde, doté de neuf applis (beauté, amour, social-démocratie, jeunesse, femmes, nourriture, capitalisme, multiculturalisme et joie).
Délire visuel et sonore
Et c’est parti pour soixante minutes de délire visuel et sonore, qui n’empêche pas les performeurs (Johanna Allitt, Mamadou Gassama et Ruth Rosenthal) de vaquer à leurs occupations : danser, se maquiller, surfer sur internet, checker son portable, tout en lançant les vidéos et les sons du spectacle avec un laptop depuis la scène.
Au milieu de ce “fourre-tout volontairement populiste, apocalyptique et joyeux”, surgissent des éléments du réel propres aux arts de la scène. Notamment des bribes du discours “Non merci” des intermittents du spectacle entendu quotidiennement lors du Festival d’Avignon ou la reproduction du texte de présentation de la metteur en scène Marie-José Malis dont la création d’Hypérion s’attira les foudres de la quasi-totalité de la critique.
Puis l’utopie pure et dure s’installe avec l’arrivée de Guy-Marc Hinant, qui se lance, pince-sans-rire, dans une conférence sur le “non-monde, et développe un nouveau paradigme à travers la tentative du Front populaire de libération de la Lotharingie”. Autrement dit, de la Lorraine, si l’on en croit la carte qui s’étale sur l’écran derrière lui.
En clair, la compagnie Winter Family pose les termes d’une équation paradoxale : à l’impossibilité d’arrêter le cours du temps, s’ajoute la difficulté de juguler le flot d’images, d’applis et d’infos qui se déversent à tout instant, se cognent aux portes de nos perceptions et saturent notre espace mental, tant nous sommes devenus les jouets des machines sur lesquelles nous surfons.
No World/FPLL conception et mise en scène Winter Family (Ruth Rosenthal et Xavier Klaine). En français et en anglais surtitré en anglais et en français, jeudi 26 janvier et vendredi 27 janvier à la Gaîté Lyrique à 20 h dans le cadre du festival Lanceurs d’alerte
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