Chaque semaine, le meilleur de l’art contemporain à Paris et en province.
Thomas Huber
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En apparence, rien de plus éloigné que les symboles ésotériques et les plans d’architectures : l’un cherche à opacifier le réel en y ouvrant mille portes dérobées, tandis que l’autre tente au contraire de le faire se plier aux lois de la géométrie. Pourtant, les deux activités reposent sur l’idée que le monde est entièrement représentable. Cette idée est également à la base de la pratique totalement inclassable du suisse Thomas Huber, où l’on retrouve l’un et l’autre de ces registres. Depuis une vingtaine d’années, le peintre imagine une ville, Huberville, dont il peint les bâtiments, leurs intérieurs et les tableaux qui s’y trouvent. Une œuvre obsessionnelle qui, en réalité, n’ambitionne rien moins que de faire rentrer le monde entier sur la toile. Très peu vu en France, il sera doublement à l’honneur, au Centre Culturel Suisse d’abord, à travers une série d’aquarelle et peintures érotiques : des « fontaines » qui décongèlent illico tous les préjugés sur la froideur helvète. Puis dès mars au FRAC des Pays de la Loire, où il réalisera un accrochage des œuvres d’un peintre de la collection, Emmanuel Pereire – autre obsessif qui passera sa vie à peindre des anges.
« Extase » de Thomas Huber du 21 janvier au 2 avril au Centre Culturel Suisse à Paris et « Emmanuel Pereire présenté par Thomas Huber » du 18 mars au 28 mai au FRAC Pays de la Loire à Carquefou
Bertrand Dezoteux
On rêvait de héros intrépides partant à la conquête de l’espace en combi argentée, et on se retrouve une bande de slaves en marcel dans leur cuisine. Voilà à peu près la manière dont on pourrait résumer l’ambiance loufoque de l’exposition de Bertrand Dezoteux à la galerie Audi Talent Award. Lauréat du prix l’an passé, le jeune artiste féru d’animation 3D a pu profiter d’une résidence d’un an à l’Observatoire de l’Espace du CNES pour développer une proposition autour de ce constat : la conquête spatiale n’est plus ce qu’elle était. Tout commence lorsqu’il découvre une photo d’un groupe d’hommes (en marcel, donc) accroupis dans une pièce rustique tapissée de lambri. Mais au milieu de l’hyperbanalité, des indices laissaient filtrer la provenance de la scène, à savoir la simulation de vol d’une mission russe sur la planète Mars datant de 2010-2011. En s’appuyant sur les archives et témoignages disponibles, l’artiste réalise deux films autour de cette mission, où les six homme passèrent 520 jours confinés, attendant de pouvoir participer à a mission proprement dite. Une première reconstitue la mission à partir des rushes d’époque, tandis que la deuxième met en scène des marionnettes représentant les cosmonautes en train de faire passer le temps : lecture, télévision, repas, sport et célébration des fêtes traditionnelles. Mars attendra, mais pour la poésie décalée, il n’y a qu’à se pencher et regarder par la fenêtre de ces maisons de poupée.
« En attendant Mars » de Bertrand Dezoteux jusqu’au 5 février à la galerie Audi Talents à Paris
Lola Gonzàlez
Comme pour faire mentir les soupçons d’individualisme dont les fâcheux taxent sa génération, Lola Gonzàlez, née en 1988, filme sa bande – ou du moins, des bandes. Des groupes de jeunes de son âge dont on ne saura pas grand chose de plus, sinon qu’ils se définissent en disant « nous » et que ce faisant, ils aident aussi le regardeur à capter quelque chose comme un air du temps. Diplômée des Beaux-Arts de Lyon, son exposition au FRAC Île-de-France Le Plateau en automne dernier anticipait la fameuse « génération Bataclan » née malgré elle sous la coupe de la terreur. Pour son nouveau film Rappelle-toi de la couleur des fraises, présenté lors de son exposition solo au Crédac, l’intrigue se déroule en bord de mer. Cette fois, le groupe en question s’entraîne au tir les yeux bandés puis partage un dernier repas, à la veille d’un événement vers lequel tout le film converge sans cependant nous en révéler la nature.
« Rappelle-toi de la couleur des fraises » de Lola Gonzàlez du 20 janvier au 2 avril au Crédac à Ivry
« Strange Days »
Strange days : les nôtres, ceux de la fin d’un paradigme sans que ne se profile vraiment le début d’un autre, où la reconfiguration des systèmes engendre des émotions confuses oscillant entre tension, incertitude, violence, désorientation ou mélancolie. La reconfiguration des images et des représentations aussi, comme le montre la nouvelle exposition thématique du FRAC Île-de-France Le Plateau à Belleville, qui a choisi de rassembler les nouvelles acquisitions de sa collection sous cet intitulé. A travers les œuvres de treize artistes, dont Xavier Antin, Ian Kaer, David Douard, Gyan Panchal ou encore Maurice Blaussyld se dessinent des sillons en eaux troubles. Loin de l’art engagé ou de la prise de parti, le quotidien contamine les recherches formelles diverses des artistes, qui n’ont finalement pas grand chose d’autre en commun que de vivre intensément dans leur époque, la nôtre. L’accrochage soulignera cette tonalité, avec le parti-pris de n’ajouter aucun autre éclairage que celui des œuvres elles-mêmes.
« Strange Days », du 19 janvier au 16 mars au FRAC Île-de-France Le Plateau à Paris
Antoine Renard
Deuxième partie du voyage au centre de la France de ce Berlinois d’adoption, c’est au tour d’In Extenso à Clermont-Ferrand d’accueillir l’artiste Antoine Renard, après un premier passage au project-space Tlön à Nevers à l’automne. On y retrouve son imaginaire hybride mêlant organique et machinique, chimique et synthétique, dans des œuvres qui ne relèvent que très peu de la forme finie et achevée, tant leur matière est semblable à un virus en mutation constante, se nourrissant de son environnement pour propager ses germes. A Clermont-Ferrand, son installation « Eden Park » a été développée à partie de prises de vue de drone du cimetière Jean Gautherin de Nevers. Filmées à 90° depuis les airs, les images effacent les ornements spécifiques de chaque tombe pour n’en retenir que l’organisation rationnelle, évoquant alors un gigantesque espace de stockage de données à l’air libre. De cet univers où la technologie de pointe de captation du réel ne suffit plus à en garantir l’objectivité, l’artiste a tiré une série de sculptures tout aussi ambiguës, fétiches contemporains d’un monde où le virtuel s’est infiltré dans les pores mêmes de la matière.
« Ressource Operations (Part II) – Eden Park » d’Antoine Renard du 12 janvier au 12 février à In Extenso à Clermont-Ferrand
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