Arrivée sur la Switch d’un jeu indépendant foutraque et malicieux qui a pour unique but de saisir des chiens avec son objectif. Une expérience burlesque et poétique.
Cette fois, on ne nous demandera pas de libérer la princesse, de sauver la planète ou de gagner la Coupe du monde. Dans Pupperazzi, les objectifs sont d’une nature à la fois plus facétieuse et plus triviale. Il s’agit par exemple de sillonner la ville en quête d’un chien à vélo, de dénicher un dalmatien timide dans une petite crique ou de trouver un moyen de pénétrer dans une vieille salle d’arcade qui, une fois rouverte, ne manquera pas d’attirer les gamers canins. Et, toujours, de prendre notre découverte en photo pour en garder une preuve, une trace, un souvenir.
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Fraîchement paru sur la Switch une grosse année après son lancement sur Xbox et PC, le jeu du studio américain Sundae Month n’est pas qu’une nouvelle étape dans la lutte secrète entre le cat game (Stray, Neko Atsume, Cat Quest…) et le dog game (PaRappa the Rapper, Best Friend Forever, Puppy Cross…), mais aussi un manifeste implicite pour un jeu vidéo foutraque et détendu. Sa logique est celle du pas de côté, l’idée ne consistant pas à ignorer notre réalité mais à la reconfigurer.
Nous sommes un œil sur pattes
À ce titre, le recours à la photo comme mode d’interaction principal dans ce first person shooter, dont les créateur·rices n’ont pas oublié que “shoot” veut aussi dire “photographier”, n’est pas innocent. L’aventure Pupperazzi est guidée par la double logique du filtre (qui transforme l’image) et du prélèvement (d’un instant soustrait à l’écoulement du temps). Pour celui ou celle qui tient la manette et traque désespérément les chiens fantômes de la forêt de Mellowstone comme pour les auteur·rices du jeu, tout est une affaire de regard, selon l’idée que ce dernier peut aussi changer le monde – quand bien même ce serait seulement parce qu’on a fait enfiler un imperméable à un chien.
On avait voulu l’ignorer en apercevant notre ombre sur la promenade en bord de mer, mais la première photo après l’acquisition d’une perche à selfies ne trompe pas : nous sommes un œil sur pattes. Ou, plus exactement, une caméra vivante dont la vocation est d’immortaliser ce qui se passe autour d’elle, dans cet espace pensé comme une scène de spectacle permanent que l’on arpente à volonté. Une certaine idée de l’amateur·rice de jeux vidéo, donc.
Des œufs de Pâques bariolés, vaguement grotesques et pourtant étrangement émouvants
Des jeux qui font de la prise de vues le cœur de leur expérience (New Pokémon Snap, TOEM, Alba…) à la généralisation des modes dédiés côté blockbusters (pour prendre des clichés des personnages, des décors…), la photo est omniprésente dans la production ludique actuelle. S’inscrivant dans cette tendance, Pupperazzi ne sacralise pas la belle image.
Car ce qui importe ici, c’est moins le sens du cadrage que la reconnaissance simple mais profonde, pour ne pas dire la validation, des clowneries auxquelles on assiste et, en conséquence, la complicité à distance avec celles et ceux qui les ont disséminées dans les niveaux comme autant d’œufs de Pâques bariolés, vaguement grotesques et pourtant étrangement émouvants. On vient à Pupperazzi pour son burlesque accessible aux petit·es comme aux grand·es. Mais c’est pour son improbable poésie qu’on l’aime énormément.
Pupperazzi (Sundae Month/Kitfox Games), sur Switch, Xbox, Mac et Windows, de 16 à 20 €.
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