L’animateur collectionne les invités sulfureux dans le seul but de faire le buzz. Jusqu’à l’écœurement.
Je tenais à te féliciter pour ton prix Philippe-Caloni du meilleur intervieweur de l’année, que tu as reçu la semaine dernière. Je suppose que les modalités de cette distinction, attribuée d’ordinaire à des journalistes qui écrivent eux-mêmes leurs questions, furent cette année chamboulées en dernière minute pour honorer celui qui osa inviter, début janvier, le sympathique Farid Benyettou.
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C’est vrai qu’il n’y avait que toi – l’as de la provoc since 1980, l’enfant terrible de la télé, l’homme en noir, chemise comprise parfois, celui sans qui les noms de Thierry Meyssan, Alain Soral ou Renaud Camus nous seraient peut-être étrangers – il n’y avait bien que toi pour servir de haut-parleur à l’homme qui a bourré le crâne vide des frères Kouachi.
Caricature du prophète
Belle audace, sincèrement, à l’heure dite où l’on célébrait les deux ans du massacre de Charlie Hebdo, que d’inviter sur ton plateau d’argent un mec qui en était indirectement l’inspirateur, à un degré de séparation et de kalachnikov des dépouilles de journalistes et dessinateurs qui ne pourront pour leur part plus concourir à aucun prix.
Quelle belle présence d’esprit, Titi, sans doute par goût de l’égalité et de la réconciliation, que d’avoir laissé au montage cette émouvante séquence où l’ex-“émir des Buttes-Chaumont” brandissait un badge “Je suis Charlie” – quel dommage en revanche d’avoir coupé celle où il faisait une caricature du prophète en mangeant du jambon pour bien nous rassurer quant à la fermeté insoupçonnable de sa repentance.
Envie de buzzer
Tes employés et amis Laurent Baffie et Stéphane Guillon n’ont pas hésité à te tirer dans les pneus dès la semaine suivante, faisant preuve eux aussi d’une repentance à retardement, alors que toi tu restais droit dans ton costard en ne regrettant rien de cette lamentable collusion des calendriers, avançant pour argument que tu étais là pour “montrer la réalité” et que c’était même ton “devoir”.
J’ignorais cette dimension sacrificielle de ton travail, Titounet, oubliant que tu étais aussi un peu curé à tes heures perdues. Je pensais bêtement que tu avais juste envie de buzzer sans te préoccuper d’aucun “devoir“, et surtout pas le “devoir de mémoire” qui aurait pu t’indiquer la voie vers plus de prudence avant de lancer tes invitations.
Œuf pourri
Salut les Terriens !, transféré de Canal+ à Hanouna TV, a plus que jamais besoin de faire dans l’éclat, le sulfureux, le monstrueux parfois. Et, souvent, l’invité de dernière partie (un chômeur pédophile repenti qui a écrit un livre, un skinhead SDF repenti qui a écrit un livre, une braqueuse de banques actrice porno repentie qui a écrit un livre), quitte à “montrer la réalité”, doit quand même satisfaire le voyeurisme ambiant – “ben ouais, c’est de la télé, coco !”
Je te comprends, mon vieux, c’est pas avec Michèle Bernier et Vincent Peillon qu’on va déchirer les audiences, et on n’a pas toutes les semaines un Robert Ménard sous la main, même si on l’a souvent. Le problème, c’est qu’à force de vouloir sentir le soufre, on finit par simplement sentir l’œuf pourri.
Je t’embrasse pas, on n’est plus au Palace.
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