“Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan” est sorti en salle ce mercredi 5 avril. Le blockbuster de Martin Bourboulon au casting impressionnant, censé sauver le cinéma français, se révèle être une bonne surprise
Parmi les ajustements et adaptations au contemporain dont Martin Bourboulon et ses scénaristes Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte ont paré leur Trois Mousquetaires, certains ne sont traités qu’à la périphérie du récit, tel que la bisexualité de Porthos (Pio Marmaï) qui n’est présente qu’à travers une réplique et un très beau plan de triolisme. Mais le film est agité par une lame de fond qui met au centre du récit les violences faites aux femmes.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
L’une des intrigues de ce premier volet est le féminicide dont est accusé Athos (Vincent Cassel), épisode qui n’est pas présent dans le roman de Dumas. Et l’on pressent que le second opus viendra éclairer l’œuvre d’un sens inédit au cinéma, à savoir que Les Trois Mousquetaires serait en fait une histoire de rape and revenge du personnage de Milady (Eva Green). Mais revenons au meurtre dont est accusé Athos. Au petit matin, la fine lame se réveille à côté du corps criblé de coups de couteau de la jeune femme avec qui il a passé la nuit. Mis aux fers, il est jugé devant un tribunal. La scène est l’une des plus fortes du film. Assis face à ses juges, Athos ne se défend pas autrement qu’en disant qu’il ne se souvient pas et qu’il se résigne donc à accepter sa sentence de mise à mort. Si le fait qu’on découvre plus tard qu’il s’agissait d’un coup monté atténue quelque peu la puissance de sa position, l’écriture de cette scène est à mettre en relation avec le dédouanement quasi systématique dont font preuve, dans l’actualité quotidienne, les hommes accusés de violences sexistes et sexuelles. Qu’ils nient, atténuent, voire accusent en retour, ces hommes n’ont presque jamais une position aussi juste et honnête que celle que campe Athos dans cette scène.
Domination masculine
Le regard hagard, le corps voûté, Vincent Cassel y joue une masculinité soudainement brisée par le mal endémique révélée par l’accusation. Son jeu prostré est le signe d’un mal qui le ronge. On peut interpréter ce mal sur deux niveaux. Il incarne à la fois la triste chronique du patriarcat violent se regardant dans une glace, mais aussi de la culpabilité intime du personnage, celle d’être enfin jugé pour le viol de Milady perpétré des années auparavant. Sans faire du film un plaidoyer pro-féministe (n’exagérons rien), cette scène est à marquer d’une pierre blanche dans la représentation des féminicides au cinéma. Le fait qu’elle ait pour écrin l’une des super-productions françaises de l’année, symbole – via la couverture polémique du Film français affichant une reconquête du cinéma français menée par une brochette d’hommes cis blancs et hétérosexuels – de la domination masculine, est un progrès qu’on n’espérait pas et qui fait, entre autres choses, des Trois Mousquetaires une belle surprise.
Édito initialement paru dans la newsletter cinéma du 5 avril. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
{"type":"Banniere-Basse"}