A l’occasion de la sortie de ce deuxième son album important, « Un bruit qui cour », Pauline Croze a enregistré pour nous une Inrocks Session, à découvrir en vidéo live cette semaine.
Ne l’appelez plus jamais “petite chose”. Ni petite Croze. Pour avoir tiré un peu trop fort sur la corde, ô combien sensible, du tout dépressif, pour avoir envoyé trop de signaux de détresse, Pauline Croze était en passe de devenir la prisonnière du désert affectif. Une fille inachevée, inapte au bonheur, accrochée à sa guitare comme à un radeau, à son micro comme à un mât, avec des milliers de voyeurs pour la regarder dériver, les pieds et le cœur bien au sec.
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Certains succès lestant plus sérieusement le moral que les plus lourds échecs, Pauline Croze est ressortie de son premier album, et de la longue tournée qui suivit, avec un double disque d’or pour la cheminée et du plomb dans ses ailes de petite Piaf éplorée. “Oh, des choses pas très graves, dit-elle, mais il y a des gens dans le milieu de la musique et du spectacle qui en profitent un peu lorsqu’ils sentent que quelqu’un est fragile. Le fait de s’exposer comme une personne vulnérable dans ses chansons vous détermine comme vulnérable dans la vie. J’en ai un peu souffert et je voulais corriger cette image, pourtant j’étais déjà contente d’avoir une image, même celle-là.”
Les entomologistes se pencheront avec intérêt sur le cas de Pauline Croze, parvenue, d’un album à l’autre, à se métamorphoser de bourdon en libellule. Le mot “léger”, autrefois absent de son dictionnaire, fait ainsi une entrée remarquée dans Un bruit qui court, deuxième album soulevé par un vent d’euphorie où elle ose des figures, des envolées, des tourbillons qu’elle admirait chez d’autres sans s’en sentir capable. Elle cite Björk, Brigitte Fontaine, Catherine Ringer aussi et, plus proche d’elle, une Camille dont Le Fil, à l’évidence, lui a ouvert les yeux et la voie. “Avant, j’avais ébauché des choses qui allaient déjà dans ce sens, mais ce disque est venu valider ce que j’avais en tête. Je me suis dit qu’après ça on ne pourrait plus jamais entendre la chanson française de la même façon.” Les filles mélancoliques qui chuchotent sur des guitares aux cordes en Nylon, le sage couvent Françoise Hardy, tellement fréquenté ici, Pauline Croze fera tout pour y échapper.
Elle se rêve turbulente, extravertie, affranchie des codes de bienséance folk et pop pour aller s’encanailler du côté des musiques du diable qui la chahutent depuis l’adolescence. “J’ai découvert le jazz à 15 ans à travers Charlie Parker. J’ai toujours écouté beaucoup de musique black, du reggae, de la musique africaine ; on me voit comme quelqu’un de statique alors que je n’aime que le mouvement, la chaloupe, l’urgence. Je prends même des cours de danse depuis un an, alors qu’avant je n’aurais jamais osé de peur du regard des autres.” Sur son premier album, ces couleurs, pourtant déjà présentes, avaient du mal à transpercer la grisaille du propos et sa voix encore retenue ne lâchait la rampe que trop timidement.
Tout au long d’Un bruit qui court, après un premier morceau où il est question d’un corps disloqué (Faux contacts), c’est un peu comme si Pauline n’avait plus d’écorce, n’était désormais qu’un fluide, une vapeur, un feu follet. Cette aisance, cette liberté de ton, vous pouvez la retrouver aujourd’hui en vidéo sur lesinrocks.com avec notre 16ème Inrocks Session, enregistrée mi-novembre au Réservoir à Paris, par un après midi pluvieux. De Décembre à Légère et sans oublier l’étonnant Nous Voulons Vivre, c’est devenu une évidence : Ne l’appelez plus jamais “petite chose”, car elle est devenue une grande Croze nationale.
Réalisation : Alexandre Buisson
Caméras : Magali Bargain & Martin Cazenave
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